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On peut remplacer nombre des pesticides chimiques par des préparations naturelles, produites à partir de plantes souvent comestibles comme l'ail ou l'ortie. Utilisées par nos ancêtres avant la découverte du pétrole, elles ont fait leurs preuves au fil des siècles. Avantage : elles présentent peu ou pas de risques pour la santé et l'environnement et sont en général peu coûteuses.
Pourtant, la plupart de ces préparations naturelles, jugées peu préoccupantes par les pouvoirs publics, ne sont pas autorisées. Pourquoi ? Elles n'ont pas passé la batterie de tests -de toxicité notamment- imposés indistinctement à tous pesticides, qu'ils soient issus de plantes ou du pétrole. La législation ne fait pas de différence entre les uns et les autres. Or les tests imposés, longs et coûteux, ne sont pas adaptés aux préparations naturelles, observent des agriculteurs et des scientifiques.
Finalement, après des années de discussions, un amendement -l'article 14 Ter- a été introduit dans la loi sur l'agriculture et l'alimentation en examen cette année pour encadrer plus spécifiquement les préparations naturelles. "L'enjeu est de promouvoir des alternatives naturelles et peu préoccupantes aux pesticides, qui plus est moins coûteuses et dangereuses pour les producteurs" explique le sénateur Joël Labbé. Les députés ont approuvé l'amendement mais les sénateurs l'ont rejeté. Ils avaient un allié de poids : le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert dont les arguments ont été relevés par certains observateurs tant ils ont surpris.
" Il ne saurait y avoir excès de contrôle quand la santé de nos concitoyens est en jeu. Certaines plantes ont été refusées par les instances européennes en raison de leur toxicité ", a déclaré le ministre au Sénat le 2 juillet. On aimerait la même intransigeance envers les néonicotinoïdes, le glyphosate ou les perturbateurs endocriniens !
Absence d'éléments contre les préparations naturelles peu préoccupantes
Et il a ajouté aussitôt cette phrase mémorable, en réponse au sénateur Joël Labbé qui remarquait que certaines de ces préparations étaient issues de produits comestibles : " la courge, si elle est trop consommée, fait tomber les cheveux. Les feuilles de rhubarbe sont si toxiques qu'elles tuent la vie du compost " *.
Avis aux chauves : il faut arrêter la citrouille ! Il semblerait pourtant que ce genre de phénomène soit extrêmement rare, et qu'il est révélé par une très forte amertume. Pas de panique donc avec les courges, citrouilles et autres cucurbitacés. Quant à la rhubarbe, elle fait le bonheur de bien des peuples depuis des siècles, en compote, confiture et pâtisserie. Elle est acide mais depuis longtemps, on sait comment réduire son taux d'acidité.
Le ministre a cependant soutenu un amendement permettant que les produits issus de plantes consommables fassent " l'objet d'une procédure adaptée, en vue de faciliter leur utilisation " mais " sans les soustraire de toute évaluation préalable ". Une manière de gagner du temps ?
"La rédaction du Sénat me déçoit beaucoup, en réintroduisant l'obligation d'évaluer les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) pourtant composées de plantes ou parties de plantes consommées dans l'alimentation humaine" a expliqué Joël Labbé. "Les PNPP sont naturelles, biodégradables et utilisées à faible dose ; 148 sont actuellement autorisées. Leur évaluation est inutile, puisqu'elles ont déjà été évaluées en 2001 à la demande du ministère de l'Agriculture, par la commission d'étude de la toxicité - le prédécesseur de l'Anses. Je tiens cette évaluation à votre disposition ! (M. Joël Labbé brandit un document.) La procédure même simplifiée, prévue par la commission des affaires économiques, est inutile, les PNPP dont il s'agit sont dans le domaine public, les dossiers demandés par l'Anses sont trop lourds : on ne peut soumettre ces acteurs aux mêmes obligations que les producteurs de pesticides ! (...) Les PNPP ont déjà été évaluées n'alourdissons pas la charge de travail de l'Anses. Ces PNPP sont déjà utilisées, jusque dans le jardin du Luxembourg. Aucun problème n'a été signalé jusqu'à ce jour."
Alors quid de cette évaluation des PNPP ? On en saura peut-être plus à la rentrée. En effet, députés et sénateurs n'ont finalement pas pu s'entendre sur le texte de la loi et elle reviendra en examen au parlement pour une deuxième lecture en septembre.
Anne-Françoise Roger
* lire le Compte rendu analytique officiel du 2 juillet 2018 sur le site www.senat.fr