Pour Lohengrin, c'est la revanche d'une Elsa retenue par un Lohengrin qui montre au troisième acte sa vraie nature de mâle blanc (bleu ?) dominant en la retenant prisonnière : en posant la question fatale, elle se libère, alliée objective d'Ortrud.
Il est juste que la scène soit traversée des hoquets du monde du jour, voire de ses modes, même quand ce sont des étoiles filantes. Cependant...
Le monde du jour est horrifié des entorses au droit des animaux, mais finit par accepter au nom de raisons dites d'Etat qu'on puisse rejeter à la mer ou à la mort des hommes qui ont été contraints à l'exil .
Le monde du jour est aussi traversé par des dénonciations tardives souvent anonymes qui aux yeux de certains médias, d'institutions terrorisées comme le MET (dans l'affaire James Levine, connue depuis des décennies et jamais dénoncée) ou aujourd'hui le Royal Concertgebouw Orchestra, valent procès et jugement.
Le Maccarthysme se porte de nouveau très bien, moralisme et bien-pensance ayant pris la place du communisme, c'est à dire que le monde va très mal.
Qu'on ne se méprenne pas : il est très heureux que certains comportements aient été dénoncés, et que cela incite à plus de tenue et plus de respect entre les sexes ou simplement entre les hommes. C'est à dire que l'humanité progresse.
Or, elle régresse, au nom de la délation universelle qu'on prend pour argent comptant parce qu'on a l'impression de défendre la morale. La délation et la peur sont les premières manifestations des sociétés pré-fascistes. Je n'aime pas plus le harcèlement que la délation. On s'estime lésé ou harcelé ? Soit: il y a des lois et une justice pour demander réparation. Mais la délation est un poison autrement plus dangereux, parce qu'il pervertit d'autres valeurs, désigne des boucs émissaires à la vindicte : on a déjà vécu ça dans d'autres temps...
Rousseau disait, face à l'accusation d'avoir abandonné ses enfants : " il n'en coûte rien de prescrire l'impossible quand on se dispense de le pratiquer ". Appliquons cette maxime aux donneurs ou donneuses de leçons de tous ordres.
Ce qui arrive à Daniele Gatti en est le triste résultat, où l'on brûle une carrière et un artiste exceptionnels sans preuve ni plaintes avérées, au nom d'une (fausse) morale importée.
Je ne peux que souscrire à ce qu'écrit l'excellent journaliste italien Angelo Foletto, à qui l'on doit la déclaration ci-dessous, traduite en français que le Blog du Wanderer fait totalement sienne et qu'il demande aux lecteurs de lire et diffuser:
" Il semblait impossible qu'un chef italien aussi prolétaire (courant les cachets au conservatoire, jouant au foot, avec des profits loin d'être ceux d'un premier de la classe dans la Milan musicale déjà moche des années 70-80) étranger aux groupes d'influence nationaux et internationaux, sans l'appui de " sa " maison de disque, peu disert et d'un caractère plutôt bourru, mais si bosseur, et si réfléchi pour devenir le plus pur et le plus complet talent d'aujourd'hui parmi les chefs quinquagénaires, ait pu faire une telle carrière. Au point d'avoir été courtisé, engagé en 2016 et - il y a quelques semaines- officieusement couronné comme chef à vie du Royal Concertgebouw Orchestra, une des cinq meilleures phalanges au monde aujourd'hui.
Oui, c'est impossible. Ou mieux, depuis hier, cette carrière a été virtuellement et brutalement annulée. Au nom d'un instant de testostérone mal dominée, il y a vingt-cinq ans - et " révélé ", sans dépôt de plainte ou démarche similaire - Daniele Gatti a été lâché, injustement et sans autre forme de procès, par le board hollandais qui avait mis dans ses mains en juin son propre avenir artistique et commercial.
A la fin du communiqué il est précisé que les concerts seront effectués avec d'autres chefs. Est-ce pour tranquilliser les sponsors américains sur la " pertinence sexuelle " (il serait curieux de comprendre comment ils la vérifieront) du chef choisi ou sur sa valeur ? Librement évaluée par l'orchestre ou " suggérée " par le groupe d'intérêts ou par l'artiste qui pour certains " mal pensants " (mais pas trop) pourrait avoir habilement utilisé le cas en abusant des ambiguïtés puritaines et souvent pas neutres de #Metoo ?
C'est vrai, c'est un signe inquiétant des temps que l'usage malfaisant qu'on fait de ces dénonciations à retardement. Et il est effrayant que l'institution culturelle la plus historique, la plus importante et la plus fameuse d'une ville archi-connue pour être la zone franche du sexe en tous genres et des substances chimiques qu'on se procure facilement et par tous moyens, use de telles procédures professionnelles sans preuves, faisant des " procès sexuels " préventifs, obscurantistes et démagogiques.
Cette entrée a été publiée dans Actualité, Amsterdam, Considérations générales, Gatti, avec comme mot(s)-clef(s) Daniele Gatti, MET, Royal Concertgebouw Orchestra. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien. |