De cinq à sept d’Olivia Koudrine 4/5 (29-07-2018)
De cinq à sept (416 pages) est disponible depuis le 7 juin 2018 aux Editions Le Cherche Midi
L’histoire (éditeur) :
4 portraits de femme d'une grande justesse.
Un certain 17 décembre, il est dix-sept heures.
Charlotte, Parisienne de quarante-huit ans, se prépare à retrouver son jeune amant dans un petit appartement.
Au même moment, à Deauville, Fanny, trente-deux ans, s’occupe d’une cliente bavarde qu’elle n’écoute pas. Elle pense à son fils en pleine crise adolescente, qu’elle élève seule.
À Besançon, Gislaine, la cinquantaine, aide-soignante, profite de son jour de congé pour faire le ménage, malgré son mal de dos, avant de préparer le dîner pour ses filles et son mari.
Tandis qu’à Neuilly, Simone, soixante-quinze ans, attend son kiné. Veuve, elle vit seule et ressasse ses souvenirs.
Quatre femmes, leur quotidien, leurs amours, leurs rires et leurs larmes… Quatre femmes qui n’ont rien en commun, avant que tout bascule. Le même jour, entre cinq et sept, dans un lieu différent, un radiologue annonce à chacune qu’elle a un cancer du sein. Un choc qui met en lumière la précarité de l’existence, qui pose la question de la féminité, du regard des autres et des proches face à la maladie.
L’ombre de la mort fait doucement chavirer les certitudes et retrace les lignes d’un destin inéluctable. Une épreuve qui les aidera à se réapproprier leur vie.
Mon avis :
De cinq à sept c’est l’histoire de 4 femmes, 4 femmes de milieux, d’âge et de situation géographique différents. Quatre femmes que peu de choses rapprochent, si ce n’est une espèce de mélancolie, un regard sur leur vie pas des plus jubilatoire. Quatre femmes dont on fait la connaissance le 17 décembre 2014.
Il y a Charlotte, 48 ans, bien installée depuis 28 ans dans sa vie de couple de bourgeois parisiens friqués, elle réussit depuis 1 an à souffler un peu grâce à la passion secrète qu’elle entretient avec le jeune Arthur, même si le sentiment de culpabilité (surtout vis-à-vis de sa belle-fille) est omniprésent.
Il y a fanny, manucure à Deauville, cette mère célibataire de 32 ans se bat au quotidien avec Kevin, son ado de fils méprisant et incontrôlable, et qui cumule les relations de couple dégradantes.
Il y a Gislaine, aide-soignante à Besançon, épouse et mère dévouées qui subit sa vie plutôt qu’elle ne la vit réellement.
Et puis, il y a la riche Simone, qui du haut de ses 75 ans contemple la vie qu’elle a menée avec plus de regret que d’enthousiasme…
Charlotte, Fanny, Gislaine et Simone n’ont vraiment pas grand-chose en commun si ce n’est peut-être ce mal être qu’on perçoit très vite, et puis aussi la maladie… Septembre 2015, la nouvelle tombe pour chacun d’elle.
De cinq à sept est donc l’histoire de quatre destins, de quatre personnalités auxquelles on s’attache étonnement assez vite. Etonnement ? Oui, Olivia Koudrine a choisi de nous raconter leur histoire à travers ce qu’elles vivent uniquement le 17 de chaque mois entre 17 et 19 heures. Alors on les retrouve ainsi chaque mois du 17 décembre 2014 au 17 mai 2016 et, malgré la construction originale du roman et les ellipses, on voit se dérouler leur vie, d’abord par fragments puis avec une fluidité déconcertante, comme si ce très court laps de temps offrait une vision beaucoup plus large. En tout cas, ce choix narratif n’est en rien réducteur. J’ai éprouvé très vite beaucoup de sympathie pour elles, quelques angoisses aussi, mais j’ai surtout trouvé la narration facile, rythmée et si bien agencée qu’à aucun moment je ne me suis sentie perdue ou en manque d’informations.
De cinq à sept est évidement un livre sur la maladie, le cancer du sein, un sujet peu traité en littérature contemporaine mais c’est, selon moi, davantage un livre sur la vie (la maladie arrive d’ailleurs à la moitié du roman). Olivia Koudrine expose 4 vies, et fait ainsi bien plus qu’évoquer les relations familiales, les relations de couple, les rapports mère-enfants, l’amour, l’ennui, la reconnaissance, de secret et de culpabilité. C’est à la fois touchant et révoltant.
Puis lorsque le cancer fait son entrée (de différente manières, encore une fois), c’est l’occasion d’aborder le traitement, les conséquences (psychologique, physiques avec les effets secondaires et sur l’entourage) et la vision que chacune d’elles va alors porter sur sa vie à venir. J’ai trouvé très pertinent ce choix d’héroïne si différentes aussi bien d’un point de vue social, que d’âge ou de caractère. L’auteure, avec délicatesse et sans tabou, dresse ainsi un tableau plus large de la maladie, bien loin des clichés.
Mais si le sujet est sensible, l’auteure ne manque ni d’humour et offre à Charlotte, Fanny, Gislaine et Simone l’occasion de se reconstruire et faire (enfin) face à la vie, chacune sa manière.
En bref : un roman optimiste, parfois grave mais tellement juste.