La norme ISO 16128 : la cosmétique naturelle en danger !

Publié le 03 août 2018 par Little No

Elle a fait parler d’elle depuis des mois. Tel un caillou dans la mare, la norme ISO 16128 fait trembler les influenceurs engagés et les marques de cosmétiques biologiques ou naturels.

J’ai décidé d’en savoir plus et de faire ma propre opinion sur le sujet !

Qu’est ce qu’une norme ISO?

Publiée par l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO en anglais) située à Genève, une norme ISO est un standard international généralement utilisé pour définir un processus ou une qualité d’un produit.

Avant toute chose, sachez qu’une norme ISO n’est ni une loini un label de qualiténi même un cahier des charges.

Son utilité première est d’harmoniser les pratiques internationales des industries : elle établit des exigences, des lignes directrices ou des caractéristiques à utiliser systématiquement. La législation pouvant varier d’un pays à un autre, les normes ISO assurent une homogénéité à l’international et surtout une sécurité que ce soit pour les travailleurs, pour les pays ou les consommateurs.

Fruits d’un rassemblement et de discussion entre professionnels, la norme ISO peut être librement suivie ou non par les entreprises. Le plus souvent vue comme un gage de qualité, certaines entreprises n’hésitent pas à se faire certifier afin de  l’utiliser comme argument marketing.

Comment est créée une norme ISO?

L’Organisation International de Normalisation est une organisation non-gouvernementale (ONG) indépendante. Composée d’instituts nationaux de normalisation (comme l’AFNOR pour la France), mais aussi de correspondants pour les pays n’ayant pas encore organisme représentatif, des comités d’experts sont également appelés durant les phases de débat.
Une norme ISO doit répondre à un besoin sur un marché : par exemple, ici, c’est le besoin d’éclaircir les appellations « bio » et « naturel ». Sa création est un long processus de 5 étapes :

  1. Le besoin du marché a été identifié et formulé. Une proposition est ensuite réalisée afin d’y répondre. Le plus souvent, c’est l’idée d’un membre adhérent.
  2. La proposition validée, c’est au tour de la préparation de la norme. Pour ce faire, un groupe de travail est créé : c’est lui qui rédigera la norme ISO répondant au besoin de l’industrie.
  3. Une réunion des comités permet de prendre en compte les observations et les remarques des organismes nationaux : on cherche le consensus autour de cette future norme ISO. Les comités ont 3 mois pour faire part de leurs observations et les faire valoir dans le contenu. La norme ne passera pas à l’étape suivante tant qu’elle n’est pas validée par consensus.
  4. Le projet est alors diffusé aux comités nationaux, qui disposent de 5 mois pour voter (positivement, négativement ou abstention). Chaque vote négatif est accompagné de remarques techniques, autrement il sera rejeté. La norme ISO est adoptée à la majorité des 2/3 des votes exprimés. S’il y a 1/4 des votes exprimés qui sont négatifs, le projet doit alors passer une phase d’approbation.
  5. Avant d’obtenir l’approbation, la proposition fait l’objet d’un dernier vote. Soit elle est validée et publiée, soit elle repart à l’étape 3 pour être examinée de nouveau.
Quand une norme ISO est validée !

D’où vient la norme ISO 16128 ?

Proposée en 2016, elle est née de la volonté d’harmoniser la définition des produits de beauté bio à l’international. Avant d’être validée, elle a fait l’objet de deux votes afin d’entériner les deux parties qui composent cette norme. Elle a fini par être approuvée par 28 pays en 2017.

Terrain glissant : Bien que les deux organismes de certification Cosmébio et Ecocert, spécialisés en cosmétiques naturels, aient été présents lors de l’élaboration du projet (en tant que simples spectateurs), aucune de leurs remarques n’a été prise en compte.
De fait, Cosmebio et Ecocert sont partis durant les tours de table ; quant à BDIH – équivalent de Cosmebio – qui représente l’Allemagne, elle a voté contre toutes les résolutions de cette norme : pour le consensus, on repassera….

Que fait la norme ISO 16128 ?

Le problème avec les normes ISO, c’est qu’elles ne sont nullement un cahier des charges comme énoncé plus haut : il n’y a aucun contrôle sur la véracité des dires de l’entreprise quant à cette norme. Nous pourrons alors retrouver des produits estampillés « Norme ISO 16128 ok » , sans pour autant que la marque puisse le prouver.
C’est déjà un énorme iceberg, non ? Attendez de voir la partie immergée…

La première partie de la norme donne la liste des ingrédients utilisables en cosmétique naturelle. Elle définit 4 types d’ingrédients : les ingrédients biologiques, les dérivés biologiques, les naturels et dérivés naturels.

  • On retrouve la possibilité d’utiliser des produits OGM sans le spécifier. En effet, même modifiés, l’ingrédient OGM reste « naturel » pour cette norme.
  • On retrouve des ingrédients dits « dérivés naturels » à partir du moment où ils sont composés à plus de 50% de matières premières naturelles.
    Donc, s’il est composé à 51% de produits naturels et à 49% de produits issus de la pétrochimie, cet ingrédient peut sans problème être qualifié de « naturel » !
  • Les substances issues de la pétrochimie ou du plastique ne sont pas interdites.
    Non, vous ne rêvez pas.

Cependant, rassurons-nous : la norme ISO n’a aucune vocation de labellisation. C’est un atout de vente qui permet d’afficher la part de bio/naturel dans un produit. Elle ne permet en aucun cas de dire « ce produit est bio » sans la présence d’un label. Toutefois, étant mal connue du grand public, elle pourrait être assimilée à un label.

Quand j’essaye de comprendre la norme ISO 16128 partie 2

La 2ème partie de cette norme concerne la méthode de calcul du pourcentage des ingrédients naturel qui composent les produits. Nous nous sommes déjà rendus compte qu’en termes  de composition, c’est pas joli-joli mais là, c’est presque le pompon sur le gâteau (bio).

En effet, s’il y a une méthode de calcul pour dire qu’il y a 80% d’ingrédients naturels dans ce produit, aucun seuil minimum ou maximum d’ingrédients bio et/ou naturels n’est défini. De même qu’il n’y a aucun moyen de savoir si ces ingrédients le sont réellement.

Pourquoi la cosmétique naturelle est en danger?

En France, c’est l’ARPP (Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité) qui assure l’appellation « cosmétique bio » ou « cosmétique naturel ». Pour être considéré comme un produit naturel, la composition d’un produit doit être à 95% naturelle. Jusque là, aucun souci, c’est l’ARPP qui gère ! Cependant, sur les 5% restant, c’est la norme ISO 16128 qui peut jouer…

La norme ISO agit aussi (et surtout) sur des produits sans appellation « bio » ou « naturel » : on retrouvera donc des marques de grandes surfaces vantant leur produit avec un pourcentage de produit naturel annoncé sans pour autant que ces ingrédients soient inoffensifs et réellement naturels. (C’est bizarre, c’est toujours les mêmes qui sont avantagés…)

Cosmebio  nous fournit un exemple qui sera plus parlant que des explications :

Imaginons que je vends des crèmes pour les mains.
Dans ma formule, je mets des ingrédients « dérivés naturels » par l’ISO. D’après les calculs, ces ingrédients représentent 80% de mon produit fini. Je vais donc pouvoir écrire sur mes packagings « contient 80% d’ingrédients d’origine naturelle selon les définitions de la norme ISO 16128 ».
Ce que je ne préciserai pas en revanche, c’est la présence de silicone pour donner une apparence hydratée à la peau et le phénoxyéthanol, conservateur polémique, dans les 20% restants.

N’importe quel consommateur non expert ne verra pas le problème. Car pour un consommateur non averti, un produit contenant 80% d’ingrédients naturels, ça ne peut pas être mauvais.

A nous les perturbateurs endocriniens, à nous les OGM, à nous les matières premières synthétiques !

Ce doit être la tête des entreprises qui font du greenwashing avec la mise en service de la norme ISO 16128

Comment contrer la norme ISO 16128 ?

Pour les marques conventionnelles, l’apparition de cette norme n’est pas une contrainte, bien au contraire : elle permet de faire du greenwashing validée par une norme (#champagne) ! Bonne nouvelle pour ces marques, en général, le consommateur « lambda »  se sent rassuré dès qu’il s’agit de labels et d’études, alors il n’y a aucune raison qu’il ne fasse pas confiance à un produit sur lequel il est inscrit « respect de la norme ISO 16128 » !

Cette duperie amène l’acheteur à penser qu’il fait bien les choses pour lui et pour l’environnement. Imaginez sa déception quand il se rendra compte qu’il est – encore une fois – victime d’un greenwashing.

La lumière d’un nouveau jour apparaît pour le consommateur endormie

La première solution qui s’ouvre aux consommateurs est d’apprendre à lire les compositions : soit bien au chaud, chez vous grâce au site La vérité sur les cosmétiques ou grâce à l’application Inci Beauty et Think Dirty. Personnellement, je considère cette solution comme la meilleure.

La seconde solution est de se fier à des labels : Cosmébio, Ecocert GreenLife, NaTrue, Nature et Progrès, Demeter, BDIH, Slow Cosmétique. Tous ont en commun l’envie de proposer et de valoriser les marques et initiatives qui font du bien aux consommateurs mais aussi à la Planète.

En espérant que cet article vous a plu et que vous avez compris les possibles dérives de cette norme ISO.

A vos décryptage de composition !

Je vous embrasse,

Pour aller plus loin :

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