« L’ombre de la vapeur »
Depuis à peine plus d’une année, la Fondation d’entreprise Martell a ouvert au coeur de la ville de Cognac un espace dédié à l’art contemporain. Dans ce vaste site (près de 900 m2), l’objectif est de commander à un artiste ou à un collectif une oeuvre destinée à créer un environnement « total et immersif ».
Fondation d’entreprise Martell à Cognac
Assurément, l’approche des artistes se devait de prendre en compte la spécificité de l’entreprise qui les conviait. L’histoire du cognac qui concerne à la fois celle de l’entreprise Martell et toute une région a offert à cette compagnie un argument de départ : le « Torula ». Ce Torula est une espèce de champignon microscopique. Il se développe lors de l’évaporation des alcools que l’on nomme « la part des anges » dans le cognaçais.Le Torula se nourrit des composés organiques volatils pour recouvrir, en les noircissant, les parois avoisinantes. Avant les travaux de rénovation de la Fondation, le bâtiment était ainsi tapissé de ce champignon.
L’installation de la compagnie Adrien M & Claire B se développe dans l’ensemble du volume grâce à un fin voile de métal formant des nuages suspendus sur lesquels sont projetées des particules blanches en mouvement. Organisme sonore et plastique, l’oeuvre devient interactive car modulée par les visiteurs au rythme de leurs déambulations, de leurs gestes et de leurs haltes. Le compositeur Olivier Mellano a créé un environnement sonore spécifique pour cette installation.
La part des anges
Pour le visiteur, en effet immergé dans cet environnement fluide, changeant, imprévisible, le ressenti évoque, me semble-t-il, plutôt que la noirceur parasite du champignon que l’on cherche à éradiquer, davantage l’impalpable fantôme de cette « part des anges » que le producteur de cognac voit disparaître de ses fûts au profit de ces anges, îvres j’imagine, bienheureux héritiers du précieux nectar.
Dans cet environnement visuel et sonore, il ne manque plus que la dimension olfactive pour parachever la proposition.
Depuis l’époque triomphante de l’art cinétique, la technologie a considérablement évolué et nombre de ces artistes rêvant, dans les années soixante, d’environnements lumino-cinétiques interactifs, découvriraient avec enthousiasme, je pense, ce que l’informatique notamment permet d’obtenir aujourd’hui. Les artistes n’ont vraisemblablement pas cette préoccupation historique mais leurs formations diverses témoignent cependant de ce mélange des genres que les cinétiques historiques recherchaient avec l’ambition d’un art total.
L’émergence, à Cognac, de ce projet ambitieux d’art contemporain mérite d’être signalé et il faudra peut-être encore un peu de temps pour que le public se presse dans l’espace d’art comme il le fait plus naturellement pour la visite historique du cognac. La part des anges deviendra alors celle de la création contemporaine.
Photos de l’auteur
Adrien M et Claire B
« L’ombre de la vapeur »
30 juin – avril 2919
Fondation Martell
Cognac