J’ai rencontré Daté Atavito Barnabé-Akayi, il y a quelques mois au salon du livre de Paris, au pavillon des Lettres d'Afrique. Nous avons donc pris le temps d’échanger avec ce professeur de français basé au Bénin et qui se définit avant tout comme un poète. Cet article a deux volets s’appuiera sur deux lectures, Errance chenille de mon coeur qui est un roman et Le chroniqueur du PR (Ed. Plume Soleil, 2016).
Le chroniqueur du PR est le premier texte que je tiens à présenter de cet homme de lettres et c’est avant tout une pièce de théâtre. Cette oeuvre littéraire a reçu le Prix du président de la République 2017 (Bénin) parmi cinq textes de théâtre sélectionnés. Si je ne doute pas de la légitimité de cette désignation, basée sur la qualité de cette oeuvre littéraire, c’est assez amusant de voir le lien entre le titre de l’oeuvre et celui de ce prix. C'est surtout très courageux de primer un texte portant une telle charge sur le caractère corrosif et révélateur du pouvoir sur les individus. Cette pièce de théâtre met en scène de personnes qui sont assez proches. Deux journalistes. L’un est le chroniqueur du PR. Comprenez Président de la République. Ils échangent de tout et de rien avec son confrère. Du moins dans la première partie de la pièce de théâtre. Cette phase est intéressante. Superficielle. On brasse des généralités et quelques sentences qui semblent très justes tombent à l’oreille du spectateur.
A ce niveau de la discussion, les choses sont soft. Les rapports sont assez équilibrés. Et il n’y a pas d’équivoque. Ils connaissent leur sujet. Des questions portant sur le terrorisme, la politique, la démocratie, son exercice. Bon, l'écrivain Daté Barnabé-Akayi est planqué derrière chacun des personnages. Sa voix forte s’entend quand il dit
« Il faut se souvenir des enseignants, les louanger, les remercier… Ce n’est as facile d’être brillant, d’avoir d’autres possibilités et de choisir l’enseignement et la maltraitance qui en découle ! » Page 18.Oui bien sur, la voix de l’enseignant s'entend, et vu certains parallèles, on sent que du point de vue de Barnabé-Akayi, la mission de l’enseignant est christique, et ce, dans n'importe quelle société. Ces deux confrères évoquent quelques papiers délicats sur la circulation et une saisine de drogue au grand port du pays, sur le régionalisme, le clientélisme, la légèreté de ceux qui prétendent incarner l'alternance. Le détachement et le cynisme qui animent le confrère est amusant, en première lecture…
Daté Atavito Barnabè-Akayi nous entraîne dans cette palabre douce. On ne comprend paq certaines sorties. Sur certains sujets, le confrère élude, parle en paraboles. Mais parce que le spectateur n’a pas une maîtrise claire des interlocuteurs, il passe sur certaines réponses étranges… Le gars est ambigu, relativise
Puis, on passe à un second niveau de profondeur dans l’échange. Et là, ça se complique… Ou ça se simplifie. Quand, on creuse, ça devient acide, violent dans cet échange. Le temps est-il passé ?
« Ce que j’étais n’était pas moi-même. Je me voilais. Je me cachais derrière un visage que je ne possède pas. » P48.Il y a eu une variation, une évolution du contexte. Et le pouvoir qui va révéler une nature profonde qui ne demandait qu'à s'exprimer.
Je n’irai pas plus loin dans le commentaire de cette pièce de théâtre qui fera forcément son effet quand elle sera jouée. D’ailleurs, si mon souvenir est bon, il me semble qu’elle a déjà été interprétée sur les planches. Le jeu de voile sur l’identité d’un interlocuteur est réussi et appelle à une relecture de la pièce. La question de l’amitié et de son pendant, la trahison est posée. L’ambition politique, les compromis, les compromissions, la violence, la naïveté… Le chroniqueur du PR fait penser à Icare, à être trop près du soleil, on crame, comme certaines phalènes autour d’une lampe tempête. Encore que l’image d’Icare est douteuse vue que notre journaliste chroniqueur n’a pas d’autre ambition de faire son job avec un sens de l’éthique affirmé, avec honnêteté et a le seul privilège d’être l’ « ami » de...
Ce livre va être au programme des terminales du Bénin. Une bonne nouvelle pour les lycéens, pour la littérature béninoise et pour la démocratie dans ce pays.
Daté Atavito Barnabé-Akayi, Le chroniqueur du PRThéatre, Notes de Kangni Alem et de Florent Couao-ZottiEditions Plumes soleil, première parution en 2016