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Découvrez le peintre Kent Monkman en 5 œuvres

Publié le 28 juillet 2018 par Efflorescenceculturelle
Découvrez le peintre Kent Monkman en 5 œuvres

Efflorescence Culturelle vous propose de découvrir le peintre Kent Monkman à travers 5 œuvres emblématiques, actuellement exposées au Centre culturel Canadien jusqu'au 5 septembre à Paris.

Depuis le 18 mai, l'exposition franco-anglophone La Belle et la Bête, de l'artiste peintre Kent Monkman, occupe la salle d'exposition du Centre culturel Canadien, à Paris. Elle met en avant cette autre figure à l'esprit masculin et féminin de l'artiste. Cette diva n'est qu'une des nombreuses pour l'artiste de déconstruire la culture artistique et historique occidentale et coloniale pour valoriser celle des indigènes du Canada.

D'origine crie (peuple autochtone d'Amérique du Nord) et anglo-irlandaise, Kent Monkman s'inspire des bispirituels (terme inventé en 1992 qui englobe aussi les LGBT+), ces shamans au double esprit (ou berdaches pour les colons) et de Cher d'après Half Breed de 1973, l'album qui explore l'héritage autochtone de la chanteuse pour donner naissance à son alter ego. Lors de l'exposition La Belle et la Bête, nous la retrouvons plusieurs fois et les premières œuvres la mettent en scène à la place de Léda et de Ganymède.

Cette visite de Jupiter en cygne est revisitée dans The Affair en choisissant plutôt une bernache du Canada. Cette espèce de grand oiseau est présente au centre de la même salle d'exposition, empruntée par l'artiste depuis la collection du Musée des Confluences à Lyon.

Pour lui, il s'agit de " suggère[r] qu'ils [les animaux naturalisés] nous contemplent, nous le public humain , ainsi que ma peinture de leurs interactions mythologiques avec nous [...] J'ai décidé de limiter mon choix d'animaux aux espèces nord-américaines pour souligner combien à la fois le Canada et les États-Unis ont non seulement exagéré mais concocté dans leurs mythes fondateurs des fictions qui s'arrangent avec la vérité les concernant en tant que nations colonialistes. Les animaux sont les témoins de ces mensonges. " (source: EYGUESIER Jean-Luc, " Kent Monkman: un hommage ambiguë et critique à l'histoire de l'art et du Canada" , TV5 Monde, 12 juin 2018). Mais dans cette peinture, il est aussi possible de suggérer une romance entre un Dieu et un individu bi-spirituel, en écho avec la réinterprétation homoérotique du Rapt de Ganymède, amant de Jupiter dans Miss Chief Eagle Testickle.

Peu importe les œuvres, nous pouvons y trouver plusieurs lectures: érotique, affirmation de soi en tant que queer et/ou bispirituel, puis critique de la culture coloniale. Ce dernier aspect est plus affirmé en témoigne l'article de L'Express, intitulé " Kent Monkman décolonise l'histoire de l'art ". L'artiste leur révèle: " Ma communauté crie a vécu l'exclusion forcée de nos territoires, la dépossession de nos terres.[...] Pourtant, quand les Européens sont arrivés, ils étaient minoritaires, et les indigènes les ont aidés considérablement. Je voulais retourner à cette période où les Indigènes et Européens étaient encore sur un pied d'égalité. [...] J'ai voulu retranscrire cette histoire effacée. "

Ce pied d'égalité semble se matérialiser dans Miss Chief's Wet Dream où deux groupes s'opposent, entre les aborigènes et les colons dont la référence au Radeau de la Méduse de Géricault est affirmée. C'est ainsi que l'on peut comprendre ce propos : " On vit toujours avec le colonialisme. Son héritage est vivant et bien réel. C'est visible partout au Canada. J'ai donc voulu commencer un projet de décolonisation de l'histoire de l'art, de nos musées qui racontent davantage l'histoire de colons conquérants. "

En dehors de l'exposition au Centre Culturel Canadien à Paris, Kent Monkman s'est intéressé à des sujets graves de l'histoire de son pays en l'absence de Miss Chief. The Scream fait partie de l'exposition Shame and Prejudice : A Story of Resilience qui fait le tour des musées canadiens jusqu'en 2020 et qui fait écho aux 150 ans de la Commémoration du Canada. La peinture met en scène la séparation des enfants indigènes de leurs parents. Il s'agit d'éclairer sur l'héritage du Residential School System dont cet épisode douloureux avait pour but de minimiser l'influence parentale afin d'endoctriner la jeune génération à la culture dominante de la société euro-chrétienne canadienne sous l'égide du Premier Ministre Sir John A. Macdonald.

Cette œuvre illustre ce que les indigènes appellent le " génocide culturel " et les enfants cherchant à fuir dans l'arrière-plan serait une métaphore de ces mineurs morts lorsqu'ils cherchaient à rejoindre leur foyer familial à travers des centaines de miles. L'artiste considère The Scream comme " une des plus importantes dans cette exposition [...] parce qu'elle raconte l'histoire de l'enlèvement des enfants, qui est vraiment centrale pour comprendre les effets de la colonisation dans nos communautés " (DOOLEY Tatum, " A Creative (Time) Take on Nuit Blanche ", Canadianart, octobre 2017).

Les castors du roi dénotent avec la précédente œuvre. Offerte au Musée des beaux-arts de Montréal, la peinture de 2,43m de hauteur met en scène un étrange massacre des Amérindiens et des colons contre des castors anthropomorphosés. Kent Monkman imagine cette scène pour compléter la collection de Louis XV car aucune ne mettait en avant une chasse au Canada. Plusieurs lectures de la composition se croisent. Pour le musée montréalais: " Grâce à l'ouverture d'esprit de l'artiste, il n'y a pas de condamnation absolue du contexte, mais plutôt un éveil ludique aux enjeux " alors que pour l'historien Joseph Gagné, " Il se focalise au lieu sur le castor, le vrai sujet principal (et souvent négligé) de la traite des fourrures en Amérique. " Toutefois, tous s'accordent sur l'idée qu'il existe plusieurs références picturales et de souligner l'importance du massacre. Le comportement presque humain est à la limite de l'humour. Le castor percé de flèches rappellent l'icône gay de saint Sébastien puis les congénères enchainés et tués ainsi que les castors en prière accentuent l'idée qu'il est difficile de différencier homme et animal. En se comportant comme des êtres humains, est-ce que Kent Monkman cherche à égaliser les deux espèces comme il le fait pour les colons et les indigènes ?

Après les lectures queer de The Affair et anti-coloniale dans l'ensemble de son œuvre, il faut ajouter une approche antispéciste. Kent Monkman est donc un artiste complexe grâce à la variété de ses sujets.

Centre Culturel Canadien Kent Monkman

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