Je n’arrive toujours pas à m’habituer à notre nouvel appartement ni au quartier. La copropriété est moribonde et notre rue est le lieu de passage de tous les crétins qui viennent se saouler la gueule au bord du canal Saint-Martin tous les week-ends. Qu’il est romantique de se taper une Kro tiède, du gros rouge qui tache ou fumer un pétard le cul posé sur un pavé, à contempler un canal qui charrie ordures non biodégradables et autres déchets (Récemment, en faisant mon footing, j’ai trouvé une grappe de chérubins enchantés d’avoir trouvé un joli ballon qui flottait près du bord du canal. Il s’agissait en fait d’un chat crevé gorgé d’eau). De plus, habiter dans un immeuble vieux de plus de deux siècles réserve continuellement son lot de surprises. Le bâtiment situé dans la cour s’effondre, la tuyauterie date de Mathusalem et un ravalement nous pend au nez. Les habitants se barrent un à un. Ainsi trois appartements sont-ils actuellement en vente (celui de notre voisin bombasse, pas celui de notre nouvelle amie a forte poitrine), tous situés autour du notre, nous condamnant ainsi à nous taper des mois de travaux dans les prochaines semaines.
Si notre couple supporte encore les “tacatacatacrcrfrufrufrut” matinaux en stéréo, nous repartons encore pour 43 années de vie en commun. Sans compter sur le véritable florilège de merdes propre à notre nid d’amour. Depuis un mois, nous luttons avec les éléments chaque fois que nous nous absentons à l’étranger:
Barcelone et les massacre de la salle de bains de nos voisins du dessous,
Chicago et le geyser de merde dans la baignoire. En rentrant il y a quinze jours de Londres, j’ai eu la désagréable surprise de découvrir qu’une alimentation d’eau fuyait dans la cuisine. La flotte avait noirci une partie du parquet et commençait à faire gonfler l’autre. Côté électricité, c’est également Broadway car nous sommes incapables de comprendre pourquoi et comment réparer une vilaine panne de courant dans une pièce. J’ai même été tenté de rebrancher le compteur alors que Snooze avait ses petits doigts coincés dans le tableau reliant tout les fils électriques. Il ne manque donc plus qu’un cambriolage ou un incendie pour nous combler de bonheur.
Curieusement, je ne peux que me féliciter d’avoir poussé Snooze à acheter cet appartement, et cela pour plusieurs raisons. Etant flippé par nature, je suis rassuré d’être relativement protégé en ayant investi dans l’immobilier, l’achat d’un appartement parisien représentant une assurance vie pour un avenir loin d’être certain. Si crise immobilière il y a, elle ne touche pour l’instant que très peu Paris intramuros et les logements du quartier ont même pris de la valeur depuis notre installation. Quant aux taux souscris, ils étaient au plus bas et les banquiers proposaient même des pipes pour que nous acceptions de signer. Vive la spéculation. Mais le point positif majeur reste pour moi la façon dont nous avons géré l’achat. Chacun à vidé sa tirelire, nous avons mis tous nos comptes en commun sans jamais se soucier si l’un s’engageait plus que l’autre. Car en plus de quinze années de couple, il n’y a jamais eu d’histoire d’argent ou de problèmes financiers entre nous. Même si nous passons notre temps à nous chamailler en apparence, même si nous paraissons indépendants, même si nos vies semblent différentes, nous nous révélons être fusionnels sur beaucoup de points. La confiance est pour moi l’un des plus grand luxe et nous en jouissons tous les jours. C’est bon ça.
La crise est cependant bien présente. Tout cela conforte bien des choix personnels, achat et employeur. Il est courant de citer le vieil adage qui veut que le battement d’ailes d’un papillon au Brésil puisse être responsable d’une tornade au Texas. Oui, tous nos malheurs proviennent des Etats-Unis ou les salauds de pauvres ont été incapables de rembourser leurs multiples emprunts. Les victimes du krach des prêts hypothécaires à risque n’ont pas été que les emprunteurs. Certaines banques y ont laissé leurs plumes en se déclarant en faillite, les taux d’intérêts ont rapidement grimpé augmentant ainsi les remboursements mensuels. La boucle est vite bouclée. Plus les taux augmentent, plus le nombre d’insolvables augmente, et plus les faillites sont importantes. Pan dans les dents. Ces putains de cons de pauvres font perdre de l’argent aux riche, le monde tourne décidément à l’envers. Sans compter sur le prix des matières premières qui flambent. Horreur, le
Coca-Cola light va bientôt franchir les deux euros si personne ne bouge.
Amusant quand on pense qu’il y a peu, on disait encore que les bénéfices des sociétés supposées françaises ne servaient qu’à payer la retraite des vieux américains installés en Floride. La mondialisation, ce n’est finalement pas que de faire travailler des moins de cinq ans en Asie. Même si la France semble être relativement protégée par rapport à des pays comme l’Espagne ou le Royaume-Uni, les conditions d’accès à la propriété semblent se durcir depuis quelques mois. Si le ralentissement global des prix du mètre carré pourrait sembler une bonne affaire pour les primo-accédants à la propriété, le relèvement soudain des taux d’intérêt réduit brutalement leur capacité d’endettement. Les gentils banquiers avec de vilaines dents qui se coincent dans la moquette et qui suçaient prêtent rarement sous les 5 %, les taux ne cessent de grimper et les malheureux ayant emprunté à taux variables commencent sérieusement à serrer les fesses. Faut-il une raison supplémentaire pour apprécier la proximité du canal ?
Tout ça pour que des crétins puissent disposer d’une chambre à partouze, pisser sur une polonaise ou acheter et balancer de leurs fenêtres la litière usagée de leur chat ou des boules de mozzarella périmées. Je présente à l’avance mes excuses les plus sincères au propriétaire de la BMW ayant été samedi dernier la cible de ma mauvaise humeur. Qu’il se rassure, l’œuf et le papier toilette ne tachent généralement pas la carrosserie.