Esquif

Par Thomz

Une fiche couche de neige venant se mêler au sable beige épousant ses aspérités, ses affleurements. Les flocons à présent transformés en bruine me fouettent le visage. Je regarde quelques vagues se former et je me rassois sur mon banc, trempé, comme engourdi par le froid. Je ne peux que regarder au loin les frêles esquifs qui se battent contre le temps, qui essaient de revenir au port sans subir plus de dégâts. L’averse se fait plus menaçante, de grosses goutes viennent à frappes répétées heurter mon visage à découvert, torrent de larmes que je n’ai jamais pu verser.
Les vagues heurtaient à présent la grève, inondant l’endroit où j’avais passé une partie de l’après midi. Je restai, seul, encore, esseulé par l’écume, par la force élémentale qui ne manquait pas de me rappeler ce que je venais de vivre. Je savais que je ne pourrais y survivre, que je devais me plier au nouvel état de fait, que ma chair et mes os ne valaient plus grand-chose. J’entendais le vrombissement sonore d’une voiture luttant contre la pluie derrière moi, plein phares, ses essuie glaces dans un mouvement de va et vient qui essayait de chasser le trop plein d’amertume de cette route balnéaire abandonnée à la fin du monde.
Je me sentais comme un de ces héros de Friedrich, en proie à la nature, inconsolable, étonné et abasourdi de sa puissance irréconciliable avec le sentiment que j’avais de ma propre fin. Je ne savais si ces hautes déferlantes seraient la dernière chose que je verrais. Je le souhaitais en tout cas. Tout l’éclat du monde était contenu dans ces coups de butoir répétés à l’envie. Je me sentais en confiance. Déçu par cette finitude qui s’annonçait quand le soleil reprendrait ses droits. Quand le vent aurait cessé sa froide majesté. Quand la marée aurait reflué. Quand tout cela cesserait.