« Malgré quelques tentatives, moi qui n'ai pas tellement de théorie sur ce que peut la poésie, ou ne peut pas, ce qu'elle est ou n'est pas, qui ne sais pas si elle est admissible ou pas, ni même si elle existe, comme disait l'autre, ou bien n'existe pas et qui finis par concevoir que je ferais mieux de me remettre au travail — au métier — et à poncer du vers plutôt qu'à les triller de slogans ridicules voulant rivaliser avec les marques déposées : coup de dés, inspiration, résistance, perversion de la communication, illuminations, chanson d'amour ou rage de l'expression, présentation sensible de l'idée, règles de l'harmonie, beau mensonge, déplacements ontologiques, dérèglement des sens, monophonie, plaintes, merveilleux inconscient, rimes & alexandrins, imitation au troisième degré, musique, grammaire, grimaces, boustrophie, sophistique, pâte-mot, indécision du sens, figures de style, éthique de l'habitat humain, voix de l'événement, mystique, défense & illustration, fonction, fureur et mystère, rétribution du grand défaut des langues (quoique certaines vaillent plus que d'autres, elle ne valent bien souvent qu'en oubliant deux tiers de ce que l'on appelle aussi "poésie") — je me dis malgré tout qu'il y a quelque chose que me fait ce poème qu'il faudrait savoir dire. Il me fait voir – quoi, sinon le grand ballet morose et passionnant des choses – débiles, muettes, invisibles ? »
Pierre Vinclair, Le Chamane et les phénomènes, la poésie avec Ivar Ch’Vavar, Lurlure, 2017, p. 12.