Une personnalité politique, peut-être même la seule, s’est publiquement démarquée du consensus bêtifiant et larmoyant que le retour en France de Madame Ingrid Betancourt a engendré. Il s’agit de Ségolène Royal qui a ainsi déclaré :
Le moins que l’on puisse dire, est que ses propos n’avaient absolument pas le parfum de scandale auquel « certains esprits bien intentionnés » ont tenté de les réduire. Même si on le voulait, on peinerait à y déceler un quelconque caractère subversif. Ils ont été extrêmement mesurés, surtout quand on sait à quel point Nicolas Sarkozy a toujours essayé d’instrumentaliser politiquement le calvaire de l’ex-otage franco-colombienne. Et pourtant, ils ont déclenché une série assez impressionnante de désapprobations.
Bon, que la droite critique les propos de Royal n’est guère surprenant. Elle est dans son rôle même si les commentaires ont été particulièrement narquois et désobligeants : « Femme à l’humanité d’un bigorneau » ( on reconnaîtra à ces mots l’élégance et la finesse de Christian Estrosi), « Petite fille dans une cour d’école » (trait d’esprit poussif du fantomatique François François Fillon), etc.
En revanche, il est infiniment plus préoccupant de constater que certains socialistes, le fabiusien Philippe Martin et Jack Lang notamment, ont fait cause commune avec la droite pour critiquer publiquement à leur tour les propos de Ségolène Royal, au nom d’on ne sait quelle idée fumeuse d’union nationale autour d’Ingrid Betancourt, idée selon laquelle il serait interdit d’exprimer une opinion différente, voire une appréciation divergente sur l’évènement heureux qui s’est produit la semaine dernière. Aucun de ces socialistes donneurs de leçons n’a pris la précaution de s’élever contre les commentaires insultants de la droite au sujet de Ségolène Royal.
Par conséquent, Philippe Martin et Jack Lang se sont faits sciemment les complices de la stratégie de communication des propagandistes de l’Union des Menteurs Professionnels (UMP). En critiquant sans nuance Ségolène Royal, ils ont accrédité l’idée que la libération inattendue d’Ingrid Betancourt n’avait pas à faire l’objet d’un quelconque débat démocratique ! Sarkozy ne pouvait rêver plus belle allégeance pour commencer sa nouvelle parade médiatique dont l’apothéose est normalement prévue pour le quatorze juillet !
(En 2008, il y a le mur du sarkozisme à abattre)
En plus de quelques socialistes, le Leader Minimo a pu également compter sur l’aide appréciable de la presse qui, pourtant, est supposée susciter le débat d’idées. Celle-ci s’est au contraire empressée de jouer les censeurs comme en témoignent certaines analyses acerbes concernant l’ancienne candidate socialiste à la présidence de la République: «Ségolène Royal aurait mieux fait de se taire en s’en prenant à Nicolas Sarkozy un rare jour de belle unanimité» (Dernières Nouvelles d’Alsace), « Dommage qu’il y ait eu une fausse note, à savoir les déclarations intempestives de Ségolène Royal » (Le Journal de la Haute Marne), « Pour Ségolène Royal, le plus gênant n’est pas l’avalanche de critiques venue de la droite et de la gauche. C’est le fait d’avoir été démentie en mondiovision par la principale intéressée » (La Voix du Nord).
Bref, pour nombre de quotidiens, il est clairement incongru et inconvenant de refuser de sombrer dans le pathos de groupe et de demeurer circonspect à l’égard de la frénésie politico-mystique bien pensante que le pouvoir sarkoziste voudrait installer autour de la personne d’Ingrid Betancourt.
Or, s’il faut insister sur une chose, c’est qu’il n’y a pas eu, chez Ségolène Royal, la volonté de polémiquer, mais juste la volonté d’exprimer à haute et intelligible voix un ressenti très largement partagé parmi les Français.
Ségolène Royal est intervenue pour faire vivre le nécessaire et fécond débat démocratique. Un débat démocratique que le sarkozisme ambiant, quelques socialistes non représentatifs et une certaine presse voudraient tuer dans l’œuf.
On notera que le PS a réagi aux attaques de Martin et Lang par l’intermédiaire de Stéphane Le Foll, directeur de cabinet de François Hollande :
« Je le dis aux socialistes : il y a une règle. On ne doit pas apporter sa voix [et] on ne peut pas s’associer avec la droite, lorsqu’elle mène une offensive comme celle-là contre un membre du Parti socialiste » [et] « en particulier contre son ancienne candidate à la présidentielle ».
Ce rappel de la « règle » était nécessaire bien que tardif (on eût aimé qu’il intervînt durant la campagne présidentielle), mais il démontre quand même à quel point certains membres du PS naviguent en eaux troubles chaque fois qu’il s’agit de taper sur Ségolène.