Antonin Bonnet demeure un de nos meilleurs chefs de la capitale. En toute discrétion…
On a attendu longtemps le retour d’Antonin Bonnet. Ce chef qui nous avait régalé et souvent ébloui au Sergent Recruteur dans l’île Saint-Louis avant d’exploser en vol après l’obtention d’une étoile largement méritée.
Il la retrouve aujourd’hui dans son nouveau restaurant juste en face de l’Ecole Ferrandi et à quelques pas de la Grande Epicerie de la rue de Sèvres. Tranquille, peu passante, presque planquée, sa nouvelle table ne possède aucun signe de richesse extérieure. On peut passer devant dix fois sans la voir. Discrétion maladive, volonté de ne pas se surexposer ici comme ailleurs dans les medias, sites, magazines, blogs, Instabook ou Armstramgram. L’homme n’a, de toute façon, jamais été un sur-communiquant. Ce qui nous change agréablement du sur-moi de l’image et des poses selfisées. Il ne participe pratiquement pas ni à des concours, ni à des réunions, hommages, prix, sectes, clans, mais travaille.
Il travaille sur deux menus, midi et soir. Il fait son pain avec des farines en provenance du guru de l’Aude à Cucugnan, Roland Feuillas, qui lui envoie de la « rouge de Bordeaux ». Superbe.
Au déjeuner, 3 plats. Ils changent tous les jours, ou le chef pratique des variations sur le thème. Deux choix d’entrées, trois de plats, et deux de desserts. On peut se faire plaisir avec trois petites propositions en sus comme ce Pâté fin de pintade au genièvre (11 €) en attendant le début du repas.
Courgettes des jardins de Courances, moules de Bouchot, cresson des jardins, huile de persil. Quasiment éblouissant par l’alliance des saveurs et la construction du plat, tout en finesse et en délicatesse. Une merveille de subtilité.
Un ton en-dessous avec deux gros filets de bonite de petit bateau de Cap-Ferret. Ce poisson, très proche du thon mais en plus petit, légèrement plus fade, surtout lorsqu’il est cuit au minimum syndical comme on nous l’impose aujourd’hui. Résultat, du mou en texture, et peu de saveur à la sortie sauf pour la belle demi-tomate rouge du Vésuve sur laquelle il reposait. Anchoïade et basilic parviennent à peine à relever tout ce monde. Dommage.
L’agneau « Manex tète noire » lui n’est pas mort pour rien. Jean-Bernard Maïta, son éleveur, peut être rassuré. Le chef l’a traité avec respect et a su en tirer le meilleur par une cuisson remarquable, qui relève les saveurs, quelques navets et blettes en accord parfait avec l’agneau, et ce jus diabolique recueilli à la cuisson et réduit au sucre noir. Un sucre de canne japonais, non torréfié, aux notes discrètes de réglisse et cacao. Il donne un bel effet sucré-salé. Un plat remarquable et d’une beauté noire.
Comme sa sauce, le chef est aussi à l’aise dans le sucré que dans le salé.
Ses Fruits rouges des Jardins de Coutances (bon fournisseur, donc) en sont un exemple lumineux. Il y rajoute quelques dés de rhubarbe (toujours ce bel accord entre les deux), un léger crumble à l’amande, et une délicieuse glace à l’acacia. Un nuage de bonheur et de saveur à la fois franches et subtiles. Formidable !
Belle carte des vins tendance bios et natures ou autres dont un toujours fameux Leccia rouge 2014. Vins au verre de 7 € à 10 €. Service très présent, aimable, expliquant avec foi la cuisine du chef.
Curieux de saveurs nouvelles, insatiable pour des produits venus d’ailleurs qu’il utilise toujours avec intelligence et non pour impressionner le client, ce génie des alliances et des recherches des meilleurs mariages de goût, cet artisan parfait et respectueux des produits et de leurs saisons, ce chef, formé un temps par Michel Bras, en a conservé cette fascination pour la nature, et comment la mettre au mieux dans une assiette. Un talent qu’il possède jusqu’au bout des doigts. Pour notre bonheur…
75006 Paris
Tél : 01 42 22 66 09
M° : Saint Placide
Fermé dimanche, lundi et mardi midi
2 semaines à Noël et août
Menus déjeuner : 35 € (3 plats) – 48 € (découverte en 6 services)
Menus dîner : 48 € – 65 €