elle me sortait d’un monde où je n’avais pas vécu

Par Vertuchou

Elle me sortait d’un monde où je n’avais pas vécu pour me lancer dans un monde où je ne vivais pas encore; les lèvres entrouvrirent les miennes, mouillèrent mes dents. La langue trop charnue m’effraya : le sexe étrange n’entra pas. J’attendais absente et recueillie. Les lèvres se promenèrent sur mes lèvres. Mon cœur battait trop haut et je voulais retenir ce scellé de douceur, ce frôlement neuf. Isabelle m’embrasse, me disais-je. Elle traçait un cercle autour de ma bouche, elle encerclait le trouble, elle mettait un baiser frais dans chaque coin, elle déposait 2 notes piquées, elle revenait, elle hivernait. Mes yeux étaient gros d’étonnement sous mes paupières, la rumeur des coquillages trop vaste. Isabelle continua : nous descendions nœud après nœud dans une nuit au-delà de la nuit du collège, au delà de la nuit de la ville, au delà de la nuit du dépôt des tramways. Elle avait fait son miel sur mes lèvres, les sphinx se rendormaient.

Violette Leduc, la bâtarde

Partager cet article

Repost 0 &version; Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Vous aimerez aussi :

C’était une nuit silencieuse Je touche tes lèvres, je touche d'un doigt le bord de tes lèvres Son silence est le mien Elle était là, seule et tranquille

Emois

« Article précédent