Le cinéma est très demandeur de romans à adapter - il en est probablement autant qui finissent en films que de films tirés de scénarios originaux. Et certains auteurs, mieux que d'autres, se prêtent aisément au passage à l'écran. John Grisham est l'un d'eux, avec une dizaine de romans devenus des longs métrages - à commencer par La Firme, sans doute son plus grand succès en salles (si j'ose le dire ainsi). Dans la foulée de précédents mariages entre le stylo (?) et la caméra, son dernier ouvrage, Le cas Fitzgerald (traduit par Dominique Defert), va recevoir à Deauville, au Festival du Cinéma Américain, le Prix Lucien-Barrière. Ce n'est pas vraiment une surprise, même si on aurait aimé saluer l'avènement d'un espoir dans le genre au lieu de confirmer ce qu'on savait déjà.
Le titre original du dernier roman de John Grisham, Camino Island, évoque un lieu en Floride
et non, comme en français – Le cas
Fitzgerald –, un écrivain. Si Grisham met en scène un libraire et une
écrivaine dans les rôles principaux, s’il parvient à faire lire un voyou qui se
découvre une passion pour Fitzgerald, l’œuvre de celui-ci est moins présente
que ses manuscrits, et eux-mêmes moins pour leur intérêt littéraire que pour
leur inestimable valeur s’ils faisaient l’objet d’une transaction commerciale.
Le casse est plus original que celui d’une banque : la
bibliothèque de l’université de Princeton, où la plupart des manuscrits de
Fitzgerald sont conservés, tient pourtant elle aussi de la chambre forte. Et il
faut, à la bande des cinq associés qui décident de s’emparer du trésor, faire
preuve d’inventivité et de rigueur pour y parvenir. Le but est moins de mettre
les précieux documents en vente – c’est presque impossible – que de faire
casquer les assurances. 25 millions de dollars sont en jeu.
Le FBI, capable d’exploiter une petite tache de sang
abandonnée par imprudence, trouve rapidement la plupart des membres de la bande
et les arrête. Mettre la main sur les manuscrits se révèle beaucoup plus ardu
et, sans l’objet du délit, il est peu probable que les accusés seront jugés
coupables.
Voici donc, croit-on, John Grisham reparti dans le sillon
qu’il laboure à longueur de romans, l’énigme juridique avec arguties sans fin
et détails de procédure à épuiser les moins courageux de ses lecteurs.
Pas du tout : il envisage cette fois un récit sous
l’angle très différent d’une enquête menée, d’abord sans enthousiasme, puis
avec énergie et des sentiments de plus en plus mélangés, par une romancière en
panne d’inspiration. Elle a bien connu l’île Camino dans son enfance, elle
voudrait enfin se mettre au livre que son éditeur attend depuis trois ans, elle
est l’arme fatale qu’une compagnie d’assurances cherche à utiliser contre un
libraire séduisant et séducteur aux pratiques franchissant parfois,
semble-t-il, les limites de la légalité. Un possible candidat, car il en existe
malgré tout, à l’achat des manuscrits de Fitzgerald.
Le monde du livre et des écrivains, dans ce qu’il a de
fascinant et de pervers, constitue un environnement riche de possibilités pour
une intrigue serrée.