Critique de Récréation, de Sam Azulys et Arnaud Bertrand, vu le 15 juillet 2018 au Théâtre du Chêne Noir
Avec Aurélien Recoing, Florence Darel, Alysson Paradis, Brice Hillairet, Fabio Zenoni, dans une mise en scène de Dominique Guillo
Il y a des attachés de presse dont vous savez que vous partagez les choix artistiques. Ainsi, quand j’ai reçu le courriel de Pascal Zelcer il y a quelques semaines présentant les productions qu’il suit à Avignon, c’est bien l’intégralité de son programme que je me suis engagée à aller voir. Pour l’instant jamais déçue par les spectacles qu’il défend, j’étais ravie de découvrir des noms connus dans la distribution de cette Récréation, comme Aurélien Recoing, ancien pensionnaire de la Comédie-Française, ou Brice Hillairet dont j’avais beaucoup entendu parler lors du OFF 2016 quand il jouait Ma folle otarie que j’avais manqué (car c’était complet).
J’aurais pu me douter du sujet rien qu’en regardant l’affiche. On le sent venir, le théâtre dans le théâtre, avec ce spectateur confortablement installé sur son fauteuil. Mais je me suis quand même fait surprendre : j’ai cru que la pièce qui nous est jouée à notre arrivée était la pièce définitive. Point du tout : nous sommes dans les répétitions d’un spectacle un peu particulier, car c’est grâce à un grand homme d’affaire, Fabrice, que la pièce peut être montée. Fabrice a des allures d’un Jean-Marc Dumontet, mais en plus d’être producteur il joue dans le spectacle, aux côtés d’une grande actrice, Carole, de sa jeune amante et d’un autre comédien qui semble porté sur la boisson. Une belle équipe.
Voilà une pièce qui, à mon avis, s’est un peu perdue en route. D’abord, je trouve les alternances entre répétitions et vie réelle un peu inutiles : une fois qu’on a compris qu’on est en répétition, quel intérêt de montrer encore la pièce à répéter ? On dirait presque que l’auteur a voulu écrire une pièce, qu’il n’a pas osé la publier, et qu’il a donc utilisé le prétexte de la répétition pour en montrer quand même des bribes au spectateur. Plutôt étonnant, d’autant qu’on se perd parfois entre les personnages et les comédiens : peut-être était-ce voulu, mais dans quel but ?
Le procédé de la répétition est plutôt intéressant, mais c’est aussi un fourre-tout. D’une part, on y retrouve des vérités présentées presque comme des clichés, comme la nécessité de flatter les égos des acteurs pour arriver à obtenir quelque chose d’eux, ou des réflexions grandiloquentes sur le métier de comédien. Mais d’autre part on a un vrai regard sur le devenir du théâtre aujourd’hui, un regard cynique, un regard qui ose et qu’on aurait voulu davantage présent au cours de la pièce.
Ce regard est particulièrement cinglant à partir du personnage de Fabrice que j’aurais souhaité plus développé encore – il me semble un peu linéaire face au potentiel du personnage. Par ailleurs, la comparaison entre son business est le théâtre gagnerait aussi à être densifiée : on sent les tripes qui parlent lors de passages de comparaison entre le milieu du théâtre et le reste du monde, on sent la matière qu’il y a derrière, mais c’est comme si les auteurs n’étaient pas allés au bout. Ce spectacle ne semble aller au bout d’aucune idée : quel dommage !
Un sujet au gros potentiel, qui aurait pu être à la fois déjanté et passionnant, mais qui m’a laissée sur ma faim.