Critique de Heroe(s), de Philippe Awat, Guillaume Barbot, et Victor Gauthier-Martin, vu le 17 juillet 2018 à La Manufacture
Avec Philippe Awat, Guillaume Barbot, Victor Gauthier-Martin (du 15 au 26) et Régis Royer (du 6 au 14) et Pierre-Marie Braye-Weppe à la musique
Puisque j’ai pris le petit-dejeuner à La Manufacture, j’ai décidé d’y rester pour mon deuxième spectacle de la journée. C’est grâce au magazine Théâtre(s) que je découvre l’existence de ce spectacle et sa conception particulière. C’est d’abord ça qui m’a plu : le processus créatif. Trois metteurs en scène issus de trois compagnies différentes se sont retrouvés pendant 2 ans pour écrire sur le monde d’aujourd’hui. Deux ans de veille journalistique, à suivre les actualités, à essayer de comprendre le monde qui nous entoure. Un beau projet.
Le projet commence le 14 novembre 2015. Pas besoin d’explication – qui, dans la salle, n’a pas souvenir de ce 14 novembre 2015 comme du jour d’après ? Les dates se succèdent, et plusieurs événements avec elles : des attentats, Paris, Nice, Londres, Orlando, le Thalys, et des noms de lanceur d’alerte fusent, John Doe, Chelsea Manning, et d’autres : Jérôme Kerviel, Daesh, Lafarge, Fillon, HSBC…
Il y en a de partout. Des noms, des affaires. Des horreurs. Des horreurs qu’on a vécues, dont on a suivi l’actualité, nous aussi. Mais on se les prend étonnamment de pleine face, avec eux. Le tableau noir qui leur sert de décor se remplit vite, très vite, trop vite. Le spectacle est étonnamment calme mais la violence du propos nous heurte de plein fouet. Mal à l’aise, sur mon fauteuil. Tout ça, en si peu de temps ? Je n’ai pas voulu voir, rien voulu savoir, pas voulu être de ce monde là. J’ai manqué de courage.
Pourquoi est-ce que ça prend ? Je ne sais pas. Peut-être parce qu’en face de nous, ces trois artistes nous ressemblent. Face à l’horreur du monde, face à l’évidence du mal dans l’homme, ils sont presque comme nous : sans arme, sans force, sans espoir. Et pourtant ils continuent, peut-être pour essayer de comprendre, en tout cas pour arriver au bout d’un projet qui leur tient à coeur. Et mince, mais c’est beau et poignant. Les deux histoires, la leur et celle plus large dans laquelle ils s’insèrent, se mêlent parfaitement. Pas de voyeurisme, ni d’un côté ni de l’autre. Simplement beaucoup d’humanité.
Un beau projet.