Le concept de « Box », boîte contenant un choix de produits envoyés périodiquement à des abonnés qui, le plus souvent, se sont inscrits via Internet, connaît un succès grandissant. Les thématiques les plus en vogue couvrent, en particulier, les cosmétiques, l’agro-alimentaire spécialisé et haut de gamme (thé, vin, etc.) L’originalité d’Art’n Box, entreprise fondée il y a moins d’un an par deux jeunes passionnées d’art, est de se situer sur un secteur beaucoup moins conventionnel – l’art contemporain.
Moyennant un abonnement d’un montant abordable (35 € par mois pour la formule annuelle, 50 € pour un achat à l’unité), chacun pourra recevoir par voie postale une boîte dont le contenu reflètera le sujet proposé. La première fut consacrée à la gravure, la seconde à l’art érotique. Celle de l’été (juillet-août) traitera du portrait. L’envoi, bimestriel, inclut, dans un conditionnement adapté, une invitation pour le vernissage d’une exposition dans une galerie parisienne partenaire du projet, un livre d’art, le magazine Art’nMag et une œuvre exclusivement produite pour Art n’Box, estampe ou tirage numéroté et signé par un artiste contemporain.
Le but est non seulement d’aborder un aspect spécifique de l’art, mais encore de faire connaître à un public d’amateurs éclairés ou, au contraire, qui n’aurait pas spontanément poussé la porte d’une galerie, de jeunes artistes ou des talents plus confirmés.
La « box » consacrée à l’art érotique offrait, par exemple, dans une housse de satin grenat, une invitation pour deux personnes pour une visite privée de l’exposition « L’Envol » organisée à La Maison rouge, un livre plein d’humour du peintre et illustrateur Tomi Ungerer, Kamasutra des grenouilles, le tirage limité d’un dessin d’Yseult Lefort Yovtchev et le second numéro d’Art’nMag. Au sommaire de ce dernier, figurent, outre un éditorial d’Elora Weill-Engerer, deux entretiens, avec Yseult Lefort Yovtchev et le très intéressant Damien Macdonald dont il a déjà été question dans ces colonnes, une présentation de quelques artistes contemporains (Petites Luxures, Mélodie Perrault, Ingrid Maillard, Stéphanie Chardon, Frédérique Lucien) et un court dossier intitulé « Quand les femmes prennent l’érotisme à bras-le-corps » consacré aux créatrices qui, aujourd’hui, s’approprient un art érotique que les hommes semblent de plus en plus hésiter à aborder.
L’ensemble est d’une très bonne tenue et en aucun cas racoleur. Les rédactrices du magazine ont manifestement suivi Roland Barthes lorsqu’il écrivait : « L’Endroit le plus érotique d’un corps n’est-il pas là où le vêtement baille ? » Cela n’a toutefois pas empêché Facebook de censurer la page d’Art’nMag lorsque fut annoncée la publication de cette « box » pour « promotion de contenu pornographique » ! Sanction ubuesque, car la page de l’entreprise a été rétablie, mais le réseau social lui interdit désormais toute communication sur la promotion d’un événement , voire de créer un nouveau profil. On regrettera que le mot « érotique » déclenche si promptement l’ire de l’entreprise américaine, bien moins zélée pour clore les comptes des sympathisants djihadistes et autres fauteurs de haine, ou encore pour supprimer les vidéos et photos d’une rare violence qu’elle héberge. Juvénal l’avait déjà fort bien dit : « Et c’est sur nous, grands dieux, que la censure tombe ! / On fait grâce au corbeau pour vexer la colombe. » Telle est donc l’échelle de valeurs du cybertartuffe, en dépit de l’engagement qu’il avait pris, en mars 2015, selon un article du Huffington Post : « Nous autorisons également les photos de peintures, sculptures et autres œuvres d’art illustrant des personnages nus. Les restrictions sur l’affichage de nudité et d’activité sexuelle s’appliquent également au contenu créé numériquement, sauf si le contenu est publié à des fins éducatives, humoristiques ou satiriques. » Il n’empêche : de même que certaines insultes, selon celui ou celle qui les profèrent, peuvent devenir des compliments, cette censure de Facebook, après beaucoup d’autres tout aussi imbéciles, prend pour celles et ceux qui en sont les victimes des allures de galons gagnée sur le champ de bataille de l’art.