Il suffit peut-être d’écrire pour que cela soit. Pierre Cendors invente un film qui n’a jamais été tourné ; il en écrit la version française. Celle du dernier épisode d’une série, La quatrième dimension. Et peu importe que je n’aie jamais vu cette série.
Un narrateur me demande de fermer les yeux, d’être le film et me demandera d’ouvrir les yeux à la dernière page du livre. Bien que ce livre soit relativement bref (un épisode de 24 minutes), il m’a fait à peu près le même effet que La maison des feuilles de Mark Danielewski. Est-ce parce que le nom dans le titre est Markham, qu’il contient donc Mark ? Mais un Mark dessiné (Edward est l’anagramme de drawed, qui signifie dessiné) ? Est-ce parce que celui qui raconte le film dans La maison des feuilles est aveugle ? Est-ce parce qu’il est y question d’un labyrinthe ? Les dimensions de celui de La maison des feuilles varient selon l’état d’esprit de ceux qui s’y aventurent. Celui d’Edward Markham est « un labyrinthe sans mur », un désert, dont l’évocation me fait penser à Borges, mais c’est aussi celui de la Death Vallee, la vallée de la mort. C’est là que s’est installé Todd Traumer (en allemand, ce mot signifie « rêveur »), le scénariste de ce dernier épisode, qui a choisi Edward Markham, acteur de « cinémarre » et de télévision pour interpréter le rôle de Usher, « visionneur à distance ».
Le rythme est lent, c’est précisé dès le début. Un homme quitte la ville au volant de sa voiture. Contrairement à certains films de Woody Allen, on ne le voit jamais entrer dans la ville. C’est donc qu’il y a toujours vécu, et ce que le film va nous montrer, c’est sa sortie définitive de l’aliénation urbaine. Il quitte ce qui veut se définir comme le « NORMAL » qu’il voit écrit à l’envers dans son rétroviseur. Nous entrons dans un éloignement progressif. Qui passe par un cimetière, et y reviendra. Ce n’est pourtant pas la mort qui domine le récit, bien qu’elle soit présente à chaque instant ; c’est le rêve. Et c’est aussi la quête d’une liberté totale, sortir des ondes qui nous encerclent, tenter de rejoindre ou d’accepter d’être rejoint par le cosmos, « une ondelette interstellaire de 400 000 kilomètres », de retrouver « le premier monde », un monde silencieux, « mon premier langage ».
Là, « le ciel est constamment bleu : bleu, venteux et spacieux… »