L'éditeur le présente comme un roman d’émancipation dont l'héroïne, assoiffée de liberté, y emprunte un chemin inattendu pour redéfinir sa place dans le monde. J'y ai lu le récit d'une femme victime d'une sorte de burn-out sentimental.
Au début de l'histoire que nous conte Pierre Linhart, cette femme a (p. 49) un mari qu'elle aime follement, un fils qu'elle adore, une vie dévouée à la musique ... et semble immensément heureuse. Le lecteur accède à ses moindres pensées et entend ce qu'elle souhaite : Que je sache garder cet état de plénitude en moi. A jamais.
Juste là Florence avait tout maitrisé, depuis la mort de sa petite soeur Sandra, la dépression de sa mère, une série de fausses couches, le départ de son mari pour New-York ... Bref la wonder woman réussit à donner l'illusion que tout va bien dans un présent forcément provisoire, le temps de décider si oui ou non toute la famille va se déplacer aux Etats-Unis.
L'expatriation est un choix difficile, qui s'accompagnera forcément de renoncements. Florence a été fragilisée par des pertes et ne peut pas en assumer une nouvelle. Elle le sait intuitivement et tout ce qu'elle réussit à faire, c'est temporiser. Parce que, c'est dans sa nature, elle déteste promettre des choses qu'elle n'est pas sure d'honorer (p. 120).
Elle se met à douter de tout, de sa relation maternelle avec Joachim, son fils de dix ans, enfant roi souvent capricieux, comparativement à la docilité de Moussa, un de ses camarades d'école pour lequel Florence se prend soudainement d'attachement, d'autant que le gamin est très doué pour la musique, contrairement (apparemment) à son fils. Lequel des deux serait l'enfant idéal d'une femme qui voudrait être la meilleure des mères possibles ?
Elle compromet son couple en cédant au désir que lui inspire Michel, un collègue qu'elle sait volage. Mais la responsabilité est partagée car il (William, son mari) savait que vivre séparément mettait leur couple en péril, tout simplement parce que c'était la preuve qu'ils arrivaient à vivre l'un sans l'autre (p. 98).
Chaque évènement remet en cause ses certitudes, son mode de vie, et fait voler en éclats ses résolutions. On pourra estimer comme William que Florence surréagit et que sa vie pourrait être plus facile si elle ne se la compliquait pas. L'auteur nous fait partager le fil de ses pensées les plus intimes, qu'il nous livre en italiques. Alors on adopte le point de vue de cette femme parce qu'on sait combien elle cherche systématiquement à trouver une solution en réponse à chaque question.
Il nous permet parfois d'accéder au ressenti des autres protagonistes, ce qui nous donnerait envie d'intervenir pour les aider à surmonter leurs difficultés. On comprend que tout est question de point de vue.
Personne n'est Superman pour avoir le pouvoir de remonter le temps ( p. 151). Il en résulte un portrait très sensible, qui démontre l'impuissance de l'entourage, des psy et des médicaments à aider durablement quelqu'un qui traverse une crise existentielle.
Diplômé de la Fémis, Pierre Linhart est réalisateur, et scénariste. Une mère modèle est son premier roman.