"Generally, we don't believe that incarceration should be part of a business model for profit. This is a public good, it's an effort to rehabilitate, it's an effort to provide public safety and it should be governed by those principles rather than principles of profit," Ryan King, The Sentencing Project
Aux Etats-Unis, le marché des prisons (environ deux millions de prisonniers) se porte bien, avec un taux de croissance annuel de l’ordre de 35%.
Un vaste réservoir de main d’œuvre, bon marché (l’heure travaillée varie de 17c à 2$) qui intéresse de nombreuses industries : des entreprises comme IBM, Motorola, HP ; Dell, Intel etc ont conclu des contrats pour faire travailler des prisonniers dans les prisons d’au moins 37 Etats des USA.
Et dans ces cas de figure, la privatisation des fonctions régaliennes est souvent justifiée par un souci d’efficacité et d’économie, même si au final cela se traduit toujours en profits somptueux pour les entreprises concernées – CCA, GEO, KBR (voir aussi Halliburton en Irak).
Avec bien évidemment des dérives inquiétantes, puisque la prospérité de ces firmes dépend étroitement de la législation pénale : plus il y a de prisonniers, plus le business est bon, au point que certains Etats américains importent des détenus particulièrement dangereux ou condamnés à de longues peines, garantissant ainsi la pérennité du système. Sans parler du travail de lobbying pour influer sur la législation…
Vous me direz, c’est les USA.
Alors allons en France.
Dans le cadre des PPP (contrats de partenariats public privé), le groupe Bouygues vient de se voir confier sur appel d’offre la construction de trois établissements pénitentiaires.
Pourquoi pas, c’est le métier de Bouygues – en espérant que leurs prisons soient de meilleure qualité que les fondations réalisées pour l’EPR et dont les travaux ont dû être suspendus faute de conformité…
Ce qui est plus intéressant, c’est que le groupe Bouygues, via sa filiale Nortac, se voit confier et dixit Le Monde, une concession de 27 ans pour « assurer la maintenance et le nettoyage des locaux mais aussi les services aux personnes, blanchisserie, restauration, soins et transport des détenus, ainsi que l'accueil des familles et même la gestion du travail des prisonniers et leur formation professionnelle » et le tout contre un loyer annuel de 48 millions €.
Alors résumons : on nous dit, il faut privatiser, ça coutera moins cher à l’Etat et ça sera plus efficace. Alors que les études menées aux USA, qui disposent d’un peu plus de recul sur la question, montrent globalement que les prisons privées n’étaient pas forcément ni moins chères ni plus efficaces.
Alors si Bouygues s’y colle, ce ne sont pas les beaux yeux des détenus qui font le mobile, c’est apriori qu’il peut s’agir d’un bon business. Et en ce moment, un bon business, c’est toujours mieux pour les potes (cf. le traitement de choc de l’audiovisuel public)....
Et bien évidemment, aucun rapport avec la politique de durcissement pénal mis en œuvre par notre chère Garde des Sceaux (à champagne comme le rajoute le Canard).
A quand le mobile Bouygues fabriqué par des détenus ?