Le débat sur le Grand-Paris ce n’est pas qu’une question de gouvernance, de tours ou de grands gestes architecturaux comme on pourrait le croire aujourd’hui. C’est aussi une vision de la ville, et à travers elle de la société. Une limite administrative, une limite physique comme le périphérique, un numéro de département comme le 93, créent-ils une barrière telle que l’on ne se retrouve pas comme étant membre du même tout. Et nous tous grand-parisiens, car la métropole existe, acceptons-nous de partager la ville et son identité avec les autres ?
Et à ce propos l’annonce par Christian Charrière-Bournazel, Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris, en avril dernier de son projet de déménagement de l’EFB, école des avocats de Paris s’inscrit parfaitement dans cet aspect du débat du Grand-Paris. Devant l’augmentation du nombre d’élèves et la nécessité d’agrandir ses locaux, situés rue de Charenton près de Bastille, à Paris intra-muros, il propose d’installer en banlieue, à Aubervilliers l’école à laquelle il souhaite dans le futur donner un statut européen, en créant une grande Ecole de Formation des juristes européens. Levée de boucliers de certains élèves et enseignants qui dénoncent un exil dans une zone mal desservie en transports publics, un éloignement des lieux traditionnels d’activités de la profession, un handicap à la vie étudiante, et même une question de sécurité. On peut lire dans un journal publié par des élèves que « l’école est composée à 66% de filles. Que feront-elles dans une zone urbaine à risque ? ». On peut suivre le débat sur des forums et blogues et trouver des soutiens au déménagement, comme celui qui explique que « tous les banlieusards ne sont pas des sauvages, je vous rassure », ou encore celui qui pour répondre aux caricatures du type « Aubervilliers c’est une zone de non-droit, certains élèves avocats ont déjà prévu d’acheter un jogging pour éviter de se faire dépouiller » écrit « rien que pour ça je suis pour un déménagement à Aubervilliers ». Certaines attaques plus radicales, mettent involontairement dans leur outrance le doigt sur la vraie question du Grand-Paris : « La ville est très dynamique avec 25% de chômage et un revenu par habitant parmi les plus bas d’Ile-de-France… Aubervilliers est aussi un haut lieu de la culture et du savoir… disons-le franchement : les bibliothèques pullulent à Aubervilliers, les musées côtoient les usines et les bonnes tables se livrent une concurrence sans merci (notamment entre le café-restaurant « Georges Marchais » et le bar « Robert Hue »). Bref, c’est un endroit idéal pour des étudiants : un univers riche, stimulant et proche des avocats parisiens. » Que répondre à de telles remarques, au-delà de leur outrance ?
Le bâtiment dans lequel doit déménager l’EFB est un très beau bâtiment, du moins vu de l’extérieur, moderne. Mais il est vrai qu’il est situé au milieu d’un quartier en rénovation, une friche industrielle aujourd’hui, et que le programme de rénovation prendra encore du temps. Sur la question des transports, un service de navettes entre le RER et l’école sera installé, en attendant la prolongation de la ligne 12. On voit donc immédiatement ressurgir une double question, le déséquilibre entre les zones équipées et la lenteur du rattrapage. Mais aussi les blocages et les égoïsmes qui tentent de consolider et de pérenniser ces déséquilibres. L’école a aujourd’hui deux antennes en banlieue, une à Créteil et l’autre à Bobigny, mais lorsqu’il s’agit de déménager de Bastille à Aubervilliers, là ça coince. Aujourd’hui, une commission dirigée par un ancien bâtonnier a été chargée de donner son avis. Un déménagement cette année serait certainement prématuré, mais pour autant, faut-il faire une croix sur un tel projet, et ne pas donner à un tel quartier autant de chances que les autres quartiers du Grand-Paris ? Et d’ailleurs, il est intéressant de noter que c’est dans cette même zone urbaine que s’est tenue la semaine dernière la première session des Assises de la Métropole…
Le point de vue de Paul Le Fèvre, avocat au barreau de Paris, ancien élève de cette école et Secrétaire de la section « Justice et Droit » de la Fédération de Paris du PS qui avait alerté Paris est sa banlieue sur ce projet de déménagement.
Si les vidéos ne s’affichent pas bien, c’est dû à votre navigateur m’ont expliqué les administrateurs web du monde.fr. Mais vous pouvez voir cet interview sur la version 20minutes.fr de Paris est sa banlieue qui n’a visiblement pas ce genre de problèmes…
Paul Le Fèvre, pourquoi ce déménagement de l’EFB à Aubervilliers ?
Le projet de déménagement suscite un débat, notamment parmi les étudiants. Certaines critiques sont fondées, d’autres moins. Quelle est votre position sur ce débat ?
Et vous, en tant qu’avocat, mais aussi citoyen, que pensez-vous du déménagement de l’EFB à Aubervilliers ?