10 juillet 2018 par martin goyette
Selon les études et les statistiques sur le don en général, il n'y a rien qui indique que les canadiens (encore plus les québécois) ont tendance à donner plus qu'avant. Diverses raisons sont invoquées pour expliquer cette stagnation, raisons qui ont à voir avec la capacité de donner auxquelles j'ajouterais la performance des OBNL dans leurs efforts de collecte de fonds. Je n'ai pas de statistiques pour appuyer cette observation, mais on dirait qu'il y a une concentration du don vers un petit nombre d'organismes qui sont les plus populaires alors que la très grande majorité des OBNL est stable ou en décroissance.
Pour le secteur philanthropique, ce constat de déficit social que je partage entièrement pose des questions importantes :
- Quelle est la méthode utilisée pour calculer le déficit social? M. Emmett est économiste et j'imagine que pour annoncer qu'il faut doubler la collecte de fonds pour répondre à un besoin croissant, il a dû établir le coût des services à offrir. Je trouve cet exercice très porteur car il attribue une valeur économique assez précise aux services offerts par les OBNL. Il serait grandement bénéfique de partager cette méthode de calcul à tous et de l'appliquer davantage au travail de tous les OBNL. Tester et faire " approuver " la méthode de calcul de la valeur des services offerts ajouterait de la crédibilité à la théorie du déficit social.
- Est-ce pensable que le secteur philanthropique canadien double sa capacité d'amasser des fonds? Je pense que tous les responsables de financement des les OBNL canadiens répondraient non à cette question. L'assiette du don au Canada ne progresse pas vraiment depuis plusieurs années. Pourquoi grossirait-elle soudainement? Le déficit social est selon moi inévitable.
- Y aura-t-il du mouvement d'argent entre les organismes ciblés par les donateurs? Autrement dit, face à l'urgence des besoins sociaux non comblés, est-ce que certaines causes vont devenir plus importantes aux yeux des donateurs? L'exemple des dons aux aînés me vient en tête : ce segment de la population est proportionnellement négligé dans les dons, mais avec notre pyramide démographique inversée peut-être verrons-nous plus de dons pour financer des services qui leur sont offerts? Si oui, et partant du principe que l'assiette du don ne grandit pas ou peu, il y aura du mouvement d'argent entre les OBNL. Quels services seront coupés dans un contexte de manque encore plus grand de financement?
- Les OBNL seront-ils plus valorisés aux yeux de la population? J'ai toujours eu l'impression que le secteur philanthropique est sous-valorisé quand on considère son importance dans le maintien d'un tissus social acceptable. Plus l'état se désengage socialement et plus la contribution de ce secteur devient cruciale. Le déficit social pourrait aider à mieux évaluer l'importance des OBNL.
- Y aura-t-il une rationalisation parmi les OBNL? Dans une situation où il faut faire plus avec le même budget, il y aura peut-être des opportunités pour certains organismes de travailler davantage en collaboration, voire même d'unir leurs forces. Il y a sûrement des secteurs où plus d'un OBNL ont la même mission.
- Est-ce que l'état reprendra certaines responsabilités délaissées dernièrement? Le domaine de l'éducation est un bon exemple. On a vu les gouvernements couper ses dépenses dans l'éducation et cela a sûrement contribué à accélérer les services offerts dans ce domaine par divers OBNL qui font un excellent travail. Mais si les fonds manquent encore plus pour ces OBNL, qui reprendra le flambeau? Je pense que dans plusieurs cas les OBNL arrivent à offrir des services de meilleure qualité et à moindre coûts ... il faudrait le reconnaître et leur donner plus de moyens. Ça ne coûtera pas moins cher si l'état offre les mêmes services.
Il y a sûrement d'autres questions importantes à se poser en vue du déficit social annoncé. En situation de crise, il y a toujours des opportunités de repenser les façons de faire. Je ne sais pas à quel les OBNL seront en mesure de faire preuve d'une plus grande cohésion pour mieux réaliser leurs missions respectives. Espérons au moins que la population en général mesurera mieux le rôle crucial joué par les organismes caritatifs et valorisera davantage les gens qui y travaillent...