Plongée. Je voulais, étant môme, apprendre à nager à toute force. Je n'ai eu de cesse d'y parvenir. Pas facile quand personne ne vous y encourage. J'y suis arrivé tant bien que mal, tout seul. Puis, j'ai adoré l'eau, avec passion. Toutes les eaux : rivières, lacs, mers et océans. Je l'ai redouté aussi. Plongée.
Apnée. Apprendre un jour à mettre la tête sous l'eau, à retenir sa respiration, mettre la tête en bas et nager vers le fond, le plus profond possible, gérer le stress, la peur, ses oreilles, s'apaiser, se pacifier, remonter ensuite, avec volupté, en lâchant le strict nécessaire de bulles, puis, crever la surface, jubilation, ma jubilation de môme.
Le plus souvent ça marche, ça nage plutôt. Un jour cependant, dans un lac du Québec je me rappelle avoir plongé profond et avoir été en panne de "réserve" plusieurs mètres avant la surface que je voyais danser là-haut sous le soleil, j'étais sans bulles, sans forces, vidé, je ne sais comment mes pieds ont pu continuer de s'agiter, j'ouvrais la bouche, elle s'emplissait d'eau quand ma tête folle a troué enfin la surface, j'ai failli mourir ce jour-là, je m'en souviens.
Un cancer grave est une plongée en eau profonde. J'ai failli cette année ne plus avoir de "réserve", de bulles à lâcher, y'a que moi qui le sait, un cancer c'est un ennemi intime, on partage beaucoup du quotidien avec ceux que l'on aime et qui sont avec nous dans le combat, avec famille, amis, mais il y a une intimité que l'on ne peut partager, impossible, un cancer grave est bien un salopard d'ennemi intime.
Lente remontée vers la surface de guérison, ne pas s'affoler, gérer les bulles à lâcher, troisième protocole de chimio jusqu'au 24 décembre, puis, radiothérapie, puis crever la surface mi ou fin janvier 2019.
Plongée. Remontée...