Lettre du Vingt-Six Juin
Que les oiseaux vous parlent désormais de notre vie.
Un homme en ferait trop d'histoires
et vous ne verriez plus à travers ses paroles
qu'une chambre de voyageur, une fenêtre
où la buée des larmes voile un bois brisé de pluie...La nuit se fait. Vous entendez les voix sous les tilleuls :
la voix humaine brille comme au-dessus de la terre
Antarès qui est tantôt rouge et tantôt vert.*
N'écoutez plus le bruit de nos soucis,
ne pensez plus à ce qui nous arrive,
oubliez même notre nom. Ecoutez-nous parler
avec la voix du jour, et laissez seulement
briller le jour. Quand nous serons défaits de toute crainte,
quand la mort ne sera pour nous que transparence,
quand elle sera claire comme l'air des nuits d'été
et quand nous volerons portés par la légèreté
à travers tous ces illusoires murs que le vent pousse,
vous n'entendrez plus que le bruit de la rivière
qui coule derrière la forêt; et vous ne verrez plus
qu'étinceler des yeux de nuit...*
Lorsque nous parlerons avec la voix du rossignol….
Philippe Jaccottet, Poésies, 1946-1967, préface de Jean Starobinski, Poésie / Gallimard, n° 71, 1971, réimpression de 2001, p. 68
Philippe Jaccottet dans Poezibao :
Note
bio-bibliographie
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