Mattia Mercante, restaurateur du patrimoine travaillant principalement avec l’Institut Opificio delle Pietre Dure de Florence, en Italie, utilise des outils numériques modernes telle que l’impression 3D Formlabs pour restaurer des objets d‘art.
Les outils numériques tels que les scans 3D, la conception assistée par ordinateur et l’impression 3D permettent aux restaurateurs d’égaler la virtuosité technique des grands maîtres et de pouvoir restaurer des détails complexes de leurs œuvres alors impossible à réaliser d’une toute autre manière.
Après un bref passage en architecture, Mattia Mercante a étudié la restauration d’objets d’art à l’Opificio, l’un des instituts les plus réputés dans ce domaine. Il s’est tout d’abord intéressé à la modélisation en 3D dans le domaine de la sculpture, ensuite au scan puis à l’impression 3D.
« J’ai commencé à utiliser le scan et l’impression 3D pour résoudre certains problèmes qui se posaient en documentation, valorisation et conservation du patrimoine. Nous avons commencé à utiliser des scanners 3D pour l’évaluation des objets d’art. Puis, nous avons ajouté à cette procédure un logiciel de modélisation numérique. Enfin, l’impression 3D. Dès mes premières années d’études, mon objectif a été de démontrer aux personnes travaillant dans la restauration d’œuvres d’art qu’elles pouvaient utiliser les outils numériques actuellement disponibles, de façon autonome, sans avoir recours à des professionnels externes« .
La première étape d’un projet de restauration consiste en l’inspection technique de l’état de l’objet et des conditions dans lesquelles il se trouve.
«Nous cherchons à répondre à trois types de problèmes: l’urgence, la prévention et l’amélioration. Nous donnons la priorité à l’urgence, lorsque l’objet doit être restauré rapidement pour être sauvé. Si nous estimons que son état va se détériorer rapidement, nous procédons à une restauration de prévention. Enfin, s’il doit être exposé ou qu’il va faire l’objet d’une étude, alors il faut le préparer à ces situations particulières, et nous appelons cette étape l’amélioration. »
Ce n’est que dans le cas où l’intervention comporte des risques d’endommager l’objet ou de nuire à son intégrité, que la restauration est limitée ou écartée. Les interventions ne doivent être réalisées uniquement si elles sont nécessaires à la conservation et la pérennité de l’objet.
« Le scan numérique et la modélisation garantissent un meilleur respect du style original de l’artiste. Les restaurateurs sont des techniciens, et non des peintres ou des sculpteurs. Les aspects de création et d’extrapolation ne doivent pas influencer notre travail. »
Suite au scan, les restaurateurs procèdent à l’étude des problèmes. Il évaluent l’opportunité d’éventuelles améliorations. La dernière étape est la réalisation, pendant laquelle ils élaborent la documentation, conçoivent les formes et effectuent la restauration. L’impression 3D sert à réaliser des prototypes pour contrôler la qualité et visualiser l’objet avant d’intervenir.
Une restauration complète comprend des phases de nettoyage, de consolidation, de restauration du matériel et de l’intégration chromatique. Elle peut durer en moyenne 5 à 6 mois. Cependant, des projets plus complexes peuvent prendre plus d’une année.
La restauration peut concerner des objets datant d’époques archéologiques mais aussi des œuvres plus récentes. Mattia Mercante s’est spécialisé dans la restauration de sculptures en terre cuite, en plâtre, en verre et en cire. L’impression 3D peut servir, quant à elle, à restaurer bien d’autres types de créations artistiques. L’un des projets récents de Mattia a été la restauration d’un reliquaire composé de plusieurs matériaux (verre, tissu, métal, cristal de roche, roches calcaires et coquillages) pour le Musée Tesoro dei Granduchi du Palazzo Pitti à Florence. Le reliquaire représente la crucifixion du Christ au centre et le cadre en bois est divisé en plusieurs petites niches, chacune représentant une scène du rosaire.
Le cadre est orné de décorations complexes en verre d’environ 1 à 1,5 mm de diamètre. Des bâtonnets de verre ont été recourbés à la flamme et modelés pour réaliser ces boucles. Ce reliquaire avait déjà été restauré, mais ces décorations n’avaient pas été remplacées, en raison de la complexité des formes et de l’inexistence de techniques garantissant une restauration correcte.
« Le travail des restaurateurs n’est pas seulement de préserver ce qui existe, mais aussi de permettre aux visiteurs de décrypter et d’interpréter l’objet d’art correctement. Grâce aux imprimantes 3D Formlabs du laboratoire de l’Opificio, j’ai pu fabriquer ces décorations qui manquaient sur le cadre, en les imprimant en résine Formlabs classique White, puis en les peignant endoré avant de les placer sur l’objet. Les restaurations sont visibles aux UV, ce qui facilite leur identification et leur remplacement si nécessaire. »
« Disposer de technologies numériques sur place au laboratoire me permet de travailler indépendamment plus rapidement et efficacement, et d’effectuer des modifications au fur et à mesure que les solutions me viennent à l’esprit. Auparavant, certains de nos projets s’avéraient impossibles en raison de contraintes de temps ou des coûts des services externes. Si je devais envisager certains projets sans les outils numériques, je pense que j’en aurais abandonné beaucoup. Par exemple, la reconstitution d’un objet en bois sculpté du 17è me siècle n’a pu se réaliser qu’à l’aide d’un scanner et d’une imprimante 3D« .
Le Panneau de Cosme III, réalisé par le maître-graveur sur bois anglais Grinling Gibbons, est un grand panneau dont les détails foisonnants et la technique de sa facture sont extrêmement difficiles à reproduire. L’œuvre a déjà subi plusieurs restaurations au cours du temps, mais les restaurateurs n’ont jamais essayé de remplacer l’une des décorations manquantes, en raison de la difficulté à égaler l’art de la gravure du maître de la cour du roi Charles II d’Angleterre. Plusieurs solutions avaient été proposées mais aucune ne paraissait satisfaisante.
En 2016, Mattia et sa collègue Cristina Gigli ont réalisé un « moulage virtuel » à partir d’une décoration similaire de l’œuvre et l’ont minutieusement travaillée pour qu’elle s’insère exactement là où l’autre manquait.
« La pièce a été imprimée en 3D et peinte de la teinte du bois avant d’être placée sur l’objet. Cette solution a résolu le problème d’interprétation artistique de la pièce et celui des obstacles techniques posés par la difficulté de la gravure« .
Mattia Mercante a récemment terminé un projet pour un client privé, en collaboration avec ses collègues Acerina Garcia et Edoardo Radaelli. Le travail consistait à reconstituer les doigts d’une statue funéraire en marbre, qui se trouvait dans la chapelle Borromeo d’Adda Chapel à Arcore, près de Milan. À partir d’un scan en 3D de la main abîmée et d’un modèle en plâtre qui se trouvait dans un autre musée, l’équipe a reconstitué l’ensemble, en respectant au mieux les proportions et le style de l’artiste Vincenzo Vela.
Enfin, pour reconstituer ces décorations manquantes, Mercante a scanné des portions de la paroi où les coquilles étaient intactes et les a alors isolées en les éditant en 3D. Il les a imprimées en grandeur réelle et Maccopi a utilisé les impressions pour réaliser des moules et y couler des résines géopolymères.
« Le point le plus important est de préserver l’œuvre d’art. Si les techniques numériques améliorent la préservation, alors elles sont les bienvenues. La restauration d’œuvres d’art a tout à gagner et rien à perdre, tant d’un point de vue technique que théorique. Les imprimantes 3D ne doivent pas être une fin mais un moyen. Ce sont des instruments dans les mains du restaurateur, lui apportant des solutions supplémentaires qu’ils peuvent utiliser pour transférer leurs connaissances, leur savoir-faire et leur virtuosité. Avec l’aide des outils numériques, il est possible d’atteindre des niveaux d’excellence encore plus élevés, et j’encourage vraiment les restaurateurs à les utiliser. Le temps gagné et les économies qu’ils permettent en valent vraiment la peine« .
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