Catherine Grangeard et Daphnée Leportois : Maigrir à tout prix (?)

Par Samy20002000fr

Mercredi 27 juin, la psychologue Catherine Grangeard et la journaliste Daphnée Leportois sont venues présenter leur œuvre rédigée à quatre mains publiée aux Editions Eyrolles à une trentaine de lecteurs Babelio.

La femme qui voit de l’autre côté du miroir, c’est l’histoire de Lucie, jeune femme de 25 ans mal dans sa peau déclarée obèse par les médecins, et dont l’IMC la situe juste au-dessus de la barre de l’obésité modérée. Pour se sentir mieux, elle décide d’aller voir une psychologue et de recourir à la chirurgie bariatrique qui consiste à restreindre l’absorption des aliments en posant un anneau gastrique modulable sur l’estomac.

La chirurgie bariatrique

La chirurgie bariatrique, comme l’explique Catherine Grangeard pendant la rencontre, a été réalisée sur 500 000 personnes  depuis une dizaine d’années en France. D’après la psychologue, c’est une opération qui peut s’avérer risquée. Dans le roman, le personnage de la psychologue est, avec Lucie, un personnage principal qui a été élaboré progressivement après de longs échanges entre les deux auteures. Daphnée Leportois ajoute qu’elles n’ont pas fait le choix d’écrire un essai composé de données scientifiques, mais plutôt de rédiger une fiction dans laquelle chacun et chacune peut s’identifier assez facilement. « L’idée était de se mettre dans le corps et l’esprit de Lucie pour tenter de comprendre et expliquer ces lourdes interventions qui vont transformer le corps de femmes. Le choix d’écrire une fiction plutôt qu’un essai était une évidence car les essais ne vont pas être lus par un grand public tandis que le passage à la fiction permet de développer un synopsis très détaillé en élargissant les champs de liberté de rédaction ».  

Une écriture qui s’est réalisée à quatre mains

Pour Catherine Grangeard, Lucie est née avec vingt années de pratique. En effet, elle a pu s’inspirer de toutes les discussions qu’elle a eues avec ses patients durant les séances de psychanalyse qu’elle donnait et en a construit un personnage psychologiquement riche. « Il faut écouter, réceptionner les paroles de personnes qui souhaitent modifier leur corps. On n’opère pas un estomac mais un individu qui n’est pas à l’aise avec son corps, avec la société et avec lui-même », explique l’auteure. L’écriture à deux s’est réalisée plutôt facilement grâce au parcours de chacune. Daphnée Leportois étant journaliste, elle a eu des facilités à mettre à l’écrit ce que disait oralement Catherine Grangeard d’après son expérience professionnelle. « J’ai rencontré Catherine lors d’une interview que j’ai réalisée pour l’Express Style à propos d’un article concernant la ‘hors-normalité’. J’ai ensuite travaillé dans l’espace participatif du Nouvel Obs où étaient recueillis de nombreux témoignages et où j’ai appris à beaucoup écouter les gens se confier, à réécrire, et cela a été mes débuts dans le journalisme. L’un des témoignages qui m’avait le plus marquée, c’est une femme qui racontait son accouchement d’un enfant mort-né ». Ensuite, Daphnée Leportois a travaillé sur plusieurs articles sur les tabous, la vie, en faisant en sorte de vulgariser des sujets sérieux. D’ailleurs, l’un des sujets intangibles dans le roman La femme qui voit de l’autre côté du miroir, c’est de parler des règles féminines. En effet, comme l’explique Leportois, il est rare de voir une femme qui a ses menstruations à la télévision, par exemple, et cela la dérange particulièrement d’où le fait qu’elle a voulu creuser ce sujet dans son roman.

La naissance d’un sujet souvent considéré comme un tabou

Catherine Grangeard et Daphnée Leportois ont choisi l’obésité comme thème pour leur livre car elles souhaitaient proposer une histoire dans le but de transmettre. « Je suis une psychologue de banlieue un peu comme un médecin de campagne. En l’an 2000, je ne connaissais rien à l’obésité mais je travaillais en alcoologie. C’est cette question de l’addiction qui m’a poussée à développer mon intérêt pour les excès de poids ». Coïncidence, c’est aussi en 2000 que le nombre d’adultes en surcharge pondérale a dépassé celui des personnes dont le poids est insuffisant. Avant ce premier roman, Grangeard a écrit un essai publié chez Albin Michel en 2012 intitulé Comprendre l’obésité : une question de personne, un problème de société. « Ce qu’il est essentiel de pointer, c’est que les gens sont différents avec des vies différentes mais ils auront toujours des points communs. Moi qui aime la nouveauté, j’ai étudié la question et dix-huit ans après, le roman La femme qui voit de l’autre côté du miroir est né. Le pari que nous avons voulu faire avec Daphnée, c’est de raconter dans un roman que ce n’est pas parce qu’une personne est grosse qu’elle est forcément mal dans sa peau ».

Un titre qui n’est pas passé inaperçu

Lorsqu’on lit  le titre « de l’autre côté du miroir », on pense forcément à Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, et c’est d’ailleurs un lecteur qui en fait la réflexion. Les auteures répondent qu’il y a deux connotations liées au titre. La première, c’est la façon dont Lucie se voit dans le miroir lorsqu’elle se regarde et la seconde, c’est l’image qu’elle voit qui lui est renvoyée par la société et par son entourage. Sauf que contrairement à Alice, Lucie n’est pas dans un monde merveilleux et elle prend personnellement tout ce qui lui arrive en général à cause de son poids, comme par exemple quelqu’un qui va la regarder un peu trop longtemps, alors que ces gestes quotidiens ne lui sont pas particulièrement destinés.   

Lucie et son obésité modérée : comment évoluer dans un monde de diktats ?

L’héroïne est considérée comme obèse modérée, c’est-à-dire qu’elle est entre le surpoids et l’obésité sévère donc à la limite de ce qui est accepté pour qu’elle puisse prétendre à la chirurgie bariatrique. « Elle a 25 ans, alors que la majorité des obèses le sont à 40 ans et on ne voulait pas faire un roman trop caricatural. Elle est une jeune professeure dans le premier quart de sa vie et nous avons voulu montrer comment elle parvient à faire face à son problème de surpoids devant ses élèves et à gérer son autorité. De plus, il était intéressant de l’inscrire dans un cadre qui rappelle d’où commencent les problèmes de société. En effet, ses élèves sont des collégiens et ce sont les pires années pour des jeunes qui sont dans l’âge de la puberté. Des filles commencent leur régime à 11 ans ! »

Concernant son entourage proche, Lucie rencontre des difficultés à se faire accepter telle qu’elle est. En effet, sa mère est quasiment anorexique et son père presque alcoolique, donc ils ne comprennent pas réellement comment leur fille peut être obèse. Quant à son frère, il a pu faire tout ce qu’il désirait durant son enfance car il était un garçon, même s’il s’avère qu’il est finalement homosexuel, donc qu’il sort du cadre conformiste imposé par les parents. Ce choix de la part des auteures est de montrer que chaque individu a besoin d’être celui qu’il est et d’être « bien dans ses pompes » et non à côté de celles-ci.

Le thème de l’obésité sera à nouveau abordé dans un second tome que les auteures ont décidé de rédiger. Vous retrouverez donc Lucie et sa lutte pour se sentir bien dans son corps prochainement !