Angèle a peut-être connu Mauricette Beaussart. Si elle n’en parle pas, c’est peut-être seulement qu’elle est un peu plus âgée ou un peu plus jeune qu’elle. Quand j’ai rencontré Mauricette, dans un livre de Lucien Suel, elle était déjà adulte, sans doute même proche de la retraite. Angèle restera une petite fille dont l’enfance la prépare à une vie de femme dans le Pas-de-Calais. On la suit avec ses amies d’école, on la voit regardant sa maman passer la wassingue, on sourit quand elle va tenir compagnie à Madame Vasseur. Elle observe, elle apprend. Elle a peur, elle a du courage. Quand elle découvre l’écriture, elle prend conscience que les mots sont séparés, une séparation qui n’existe pas quand on dit les mots, les phrases. Cette découverte est extraordinaire : c’est comme si l’écriture découpait le réel en fragments. Il y a longtemps qu’elle détourne les litanies sans pour autant manquer de respect au catéchisme. Et quand elle modifie les « priez pour nous » en « brillez pour moi », je ne puis m’empêcher de penser aux Béatitudes nouvelles écrites ailleurs par Lucien Suel. Et je relis la phrase de Bernanos citée en exergue de ce livre : « Le monde moderne a deux ennemis, l’enfance et la pauvreté. »