La critique
Le souvenir, l'amitié, la solidarité : un film sombre et lumineux à la foisJean-Baptiste Emmerich, peintre, est mort. A l’occasion des funérailles tous ses proches se réunissent : famille, amis proches ou lointains…Pendant le voyage dans le train, à l’arrivée à la maison du défunt , les anciennes rancœurs surviennent, les souvenirs plus ou moins bons s’échangent et les questions de succession sont effleurées maladroitement. Chaque ami sera ainsi confronté à sa propre vie, ses problèmes. Un couple d’ex junkies en pleine procédure de divorce (alors que la femme est enceinte) , un couple homosexuel troublé par la rencontre avec un jeune garçon atteint du sida, un transexuel qui cherche ses marques…
Les réunions familiales suite à un décès sont toujours prétexte à des films riches en émotion, permettant à la fois une réflexion sur le souvenir et constituant une occasion rêvée pour dresser des portraits de différents personnages. Ceux qui m’aiment prendront le train s’attarde sur cette famille que l’on choisit, les amis. Mais cette famille là est encore plus éclatée que la famille traditionnelle. Le défunt était un homme qui aimait jouer, qui avait une influence sur les siens , un magnétisme. Ils savaient tous qu’il parlait dans leur dos mais ils ne pouvaient s’empêcher de le voir. Dans un premier temps, le film s’attarde donc sur ce travail de mémoire, de souvenirs, la difficulté de faire son deuil , la fin d’une époque. Nous assistons d’ailleurs à bien des fins : la fin d’un mariage, la fin potentielle d’un couple gay et amoureux, un lien père/fils brisé, un homme devenu femme. Beaucoup de tensions, d’affrontements, d’états d’âmes, parsemés par la voix off du disparu, d’échanges qu’il a pu avoir avec certains.
Difficile de résister à ce cinéma littéraire, où chaque parole sonne juste , où chaque interprétation bouleverse.D’autant plus que la réalisation est virtuose. Le train symbolise l’état de passage dans lequel se trouve cette bande de paumés assez renfermés sur eux même.
Dans un deuxième temps , après que les souvenirs, les rancœurs et les questions financières eut été abordées, le film s’attarde sur les destins des différents personnages. Dans la maison du mort, la vie reprend. La communication revient petit à petit, les témoignages d’affection, d’amour s’instaurent avec beaucoup de sensibilité. Ce film se révèle être au final une puissante déclaration d’amour à l’Homme et ses paradoxes, sa façon de voir la vie, de la construire et d’aimer. Réflexion sur la propriété et la responsabilité , Ceux qui m’aiment prendront le train est un film sombre et lumineux à la fois, truffé de petits trésors.