Comme tous les ans, et pour la 15e année, j’ai eu l’honneur de présider le jury et de remettre le prix qui porte mon nom à l’ICHEC. Madame le recteur Brigitte Chanoine a souligné l’importance de la langue française, et peut-être surtout dans les matières ardues du commerce, où les mots anglais sont nombreux.
Dans ma petit allocution, j’ai d’abord évoqué un grand auteur :
« En pensant au temps qui passe et à la langue française, le nom de Jean d’Ormesson m’est venu tout de suite à l’esprit. C’est, par excellence, l’écrivain qui incarna ces deux sujets. Je vous propose trois courts extraits de ses derniers livres qui révèlent en tout cas, un talent fantastique d’homme de lettres et puis, c’est aussi un hommage à ce grand homme disparu en décembre dernier. Par exemple, ceci sur la raison d’écrire :
« Je n’écris, pour ma part, ni un roman ni des Mémoires. J’essaie de comprendre le peu que j’ai fait et comment tout ça s’est emmanché. Je n’écris pas pour passer le temps ni pour donner des leçons. Je n’écris pas pour faire le malin ni pour ouvrir, comme ils disent, des voies nouvelles à la littérature. Pouah ! Je n’écris pas pour faire joli ni pour défendre quoi que ce soit. J’écris pour y voir un peu clair et pour ne pas mourir de honte sous les sables de l’oubli. »
Jean d’Ormesson, et nous sommes dans le sujet, a réfléchi évidemment à la révolution technologique, à l’arrivée et à l’utilisation des outils nouveaux et à la comparaison entre le Net et les livres : Au fond, pourquoi doit-on continuer à lire ?
« L’informatique fournit des réponses. Ce sont surtout des questions qu’on va chercher dans les livres. L’image, sur l’écran, s’impose au spectateur. Le récit, dans le livre, laisse le cours le plus libre à l’imagination du lecteur. A l’opposé de la machine et de la télévision, le livre exige de son lecteur une collaboration active qui relève de l’âme et qui est une promesse de bonheur et de liberté intérieure. »
Enfin, à propos de ce que doit être la bonne langue française, celle qu’on préconise dans le prix :
« Une langue claire, maîtrisée, sans fioritures de routine ou d’idéologie, sans traces de graisse ou de paresse, sans ambiguïté et sans flou, ouverte à l’extérieur parce qu’elle serait solide à l’intérieur, voilà le but qu’il faut se fixer. »
Voici quelques remarques et appréciations du jury, que je remercie : Ingrid Bawin, Solange Simons, Christophe Georis, Laurence Lievens et Martine Meersschaut, qui coordonne avec efficacité toute la réalisation du Prix – je salue en particulier le dévouement et l’efficacité de cette dernière dans l’organisation, au moment où elle s’en va naviguer vers d’autres horizons. Merci, Martine !
Il s’agit donc de couronner l’auteur d’un Mémoire écrit dans la meilleure langue française, malgré le sujet forcément lié à des thèmes peu ou moins littéraires.
Puisqu’il s’agit de langue française, dès le début du texte, nous avons, par exemple, l’étymologie de certains termes, je cite :
L’étymologie du mot « cité » provient du latin civitas, lui-même dérivé de civis qui veut dire « citoyen ». Bien que le mot lui-même soit dérivé du latin, c’est bien en Grèce antique que naissent les premières cités occidentales, dont le concept a été importé d’Orient.
Pas de longueur dans les phrases, d’excellents enchaînements… Et même certains termes ont sollicité l’appel au dictionnaire du jury, comme celle-ci :
A l’issue de cette analyse, nous arrivons à la conclusion que nos deux cas d’étude faillent à être totalement durables.
Le verbe intransitif « faillir » est plutôt rare, mais fort bien utilisé dans ce cas, signifiant manquer, avoir la faiblesse de…
Au-delà de ces détails relevés avec bonheur et pour vous donner une idée de la clarté des propos, de la cohésion entre le fond et la forme, nous avons retenu ces quelques lignes du début du Mémoire.
Tout d’abord, nous tracerons l’histoire des différentes cités ainsi que celle de l’héritage que chacune nous a légué. La cité antique témoigne de la philosophie du modèle. La cité ouvrière se lie à la première révolution industrielle et atteste d’une ébauche autour de la réflexion sociale même si, nous le verrons, celle-ci dissimule d’autres ambitions. La cité jardin exprime l’utopie d’un homme, vitrine d’une époque avant-gardiste. La cité sociale, quant à elle, est le reflet d’une ambition déchue, victime d’une stigmatisation non justifiée.
Comme ont dit aujourd’hui, calqué sur l’anglo-saxon : C’est juste magnifique !
Il n’y a pas de hasard : Il se fait que le mémoire de cette année a comme promoteur, celui-là même qui à l’époque imagina m’associer à ce prix : Monsieur Christian OST.
Pour l’obtention du diplôme de Master en Sciences Commerciales, le mémoire s’intitule « La cité jardin et la cité sociale, précurseurs des quartiers durables en région bruxelloise. Cas d’étude via la mise en place d’un indicateur de durabilité : le Logis-Floréal et la Cité Modèle. »
Et nous avons été heureux d’attribuer ce 15e prix « Jacques Mercier » à un étudiant et pas à une étudiante, ce qui est plutôt l’exception au cours de l’histoire de cette manifestation : Il s’agit de Monsieur Julien MAHY.