Quand on évoque la photographie animalière, on ne pense évidemment pas d’emblée à la photographie animalière en ville.
La première image qui nous vient en tête est plutôt un animal photographié dans un milieu hyper sauvage, loin de toute influence urbaine.
Et on a raison. Faites le test, recherchez dans Google les photos des mots clés « photographie animalière » et vous verrez qu’aucune photo d’animal sauvage en ville ne ressort.
Bon, finalement, ça parait plutôt logique. Les photographes animaliers, pro comme amateurs, vont chercher la vie animale là où elle est, à priori, la mieux préservée, la plus authentique, la plus abondante : loin des villes.
Pourtant, il y a une chose qu’il ne faut jamais oublier.
La nature a horreur du vide.
Ça n’est pas une phrase bateau balancée comme ça, vite fait. Non. C’est une vérité scientifique, la nature investit les lieux les plus hostiles de la planète, là où on ne s’imagine pas que des animaux puissent prospérer.
C’est le cas des villes. Ok, il ne s’agit pas véritablement des endroits les plus défavorables à l’installation d’une vie sauvage (à l’inverse d’un bon désert aux conditions extrêmes type désert de Gobi). Et en même temps, il existe des lieux bien plus accueillants que ces immenses zones bétonnées et goudronnées.
Pourquoi les animaux peuvent vivre en ville
La faune fonctionne par des ensembles d’espèces, vivant en inter-relation, dans un même lieu. C’est ce qu’on appelle des écosystèmes. On pourrait expliquer ça aussi de cette manière : c’est l’ensemble des organismes vivants et de leur environnement non vivant.
Et dans ces écosystèmes, il y a la niche écologique.
Ce que c’est ? Le rôle, la position d’une espèce en particulier dans son écosystème.
Voici un exemple pour illustrer tout ça.
Ecosystème : une petite marre de campagne.
Tous les organismes d’une marre sont dépendants les uns des autres mais aussi dépendants du milieu dans lequel ils vivent
- milieu :
- eau, vase, terre
- oxygène, gaz carbonique
- organismes :
- végétaux
- animaux
- bactéries
Une niche écologique dans la marre
Dans cet écosystème de la marre, il y a une multitude d’organismes vivants, et chacun d’entre eux occupe une position très précise par rapport à cet écosystème, et par rapport aux autres organismes.
Cette position est la niche écologique.
Le gerris, ce fameux insecte qui « marche » sur l’eau occupe une niche écologique claire. Celle du nettoyeur de tout ce qui se trouve à la surface de l’eau … mais aussi celle de proie potentielle d’autres prédateurs.
Aucune autre espèce que le gerris n’est capable de tenir cette place dans la marre : il est le seul à pouvoir « patiner » de la sorte sur l’eau.
Je vous l’ai dit plus plus haut, mais je le répète, la nature a horreur du vide. Conséquence, dès qu’une espèce, pour n’importe quelle raison, ne peut plus occuper sa niche écologique, une autre espèce viendra combler la niche écologique laissée vacante.
C’est là que je peux introduire la notion essentielle qui tient tout ce petit monde, celle d’équilibre.
Pourquoi il y a des animaux sauvages en ville
On pourrait croire que les lieux sur terre occupés à l’extrême par l’homme (centres urbains très denses par exemple) sont vierges de toute nature sauvage.
Pas du tout.
Pour la simple et bonne raison que la ville est un écosystème comme un autre. Avec son ensemble d’organismes vivants (dont l’homme hein !) et d’environnement non vivant.
Et qui dit écosystème dit … niche écologique !
Et qui dit niche écologique dit … faune sauvage.
La nature a horreur du vide (je vous l’ai déjà dit ? 🙂 ) et en plus, la nature aime l’équilibre. C’est pourquoi, n’importe quelle ville, la plus peuplée comme la plus récente ou la plus ancienne abrite en elle une très grande quantité d’espèces vivantes.
Quels intérêts ont-elles à investir les milieux urbains ? Ils sont nombreux :
- la nourriture (introuvable ailleurs et facile d’accès)
- l’habitat (typique de ce milieu)
- la protection de l’homme (malgré lui)
- des nouvelles niches écologiques qui apparaissent régulièrement (démolitions / reconstructions)
C’est par exemple le cas des … pigeons ! Quel meilleur exemple que celui-ci ? Cette espèce a investit une niche écologique précise : celle des parcs et autres lieux très fréquentés par les promeneurs. Elle y trouve la protection des hommes, comme la nourriture.
Vous savez à présent pourquoi il y a beaucoup d’animaux sauvages dans les villes. Certes, avec une diversité et une quantité moindre que dans la nature. Mais elle est bel et bien présente.
CC0 Creative Commons
Pourquoi faire de la photographie animalière en ville
Faire de la photographie animalière en ville apporte de nombreux avantages. Je vous propose une petite liste.
- la plupart des espèces des milieux urbains sont beaucoup plus habituées à la présence des hommes. Le photographe peut donc espérer les photographier de plus près sans les voir fuir à 500 m.
- photographier les animaux en ville offre un gain de temps important ! (à condition d’habiter en ville évidemment). Pas la peine de consacrer des heures en déplacement pour accéder aux zones rurales.
- faire de la photographie animalière en ville permet de créer des images très originales, même avec les animaux les plus photographiés ! Comme un écureuil au pied d’un immeuble au grand angle.
- photographier la faune des villes offre la possibilité de voir sa ville différemment. Beaucoup des espèces « citadines » sont actives quand 99 % des activités humaines sont au ralenti. C’est à dire la nuit. Photographier pendant ces heures où la ville dort change complètement son rapport à la ville
- toute personne a déjà mis les pieds dans une ville. Contrairement à d’autres écosystèmes exotiques, certes extraordinaires, mais le plus souvent inaccessibles pour la plupart d’entre nous. Alors comme on sait tous à quoi ressemble un carrefour de ville, y voir une photo d’animal facilite énormément l’appropriation de la photo par le spectateur.
- orienter vos efforts de recherches et de photos vers les animaux des villes peut aider leurs congénères des campagnes à moins subir la pression des photographes.
Je pense sérieusement avoir fait le tour des raisons pour lesquelles vous devriez photographier les animaux sauvages en ville.
Mais si vous avez d’autres idées, dites-le dans les commentaires ! 🙂
CC0 Creative Commons
Où faire de la photographie animalière en ville
La photographie des animaux en ville n’échappe pas à la règle n°1 de la photographie animalière.
Il est indispensable de connaitre les lieux urbains susceptibles d’abriter les animaux.
Certaines zones urbaines ont plus d’intérêts que d’autres pour attirer la faune.
Les parcs urbains
Ces endroits sont en quelque sorte les tentatives des hommes de re-créer la nature en plein coeur des villes. Malgré cet aspect artificiel, la faune retrouve des conditions similaires à ce qu’elle peut trouver en campagne … quasiment en mieux !
Il y fait souvent un peu plus chaud, il y a moins de vent, pas de chasse, pas de circulation accidentogène, … bref, voici un endroit parfait pour certains animaux !
- l’écureuil : il suffit de quelques feuillus et conifères pour avoir de grandes chances d’observer ce petit rongeur
- le lapin de garenne : il aime particulièrement élire domicile dans les parcs car le sol est meuble. Pratique pour creuser les terriers.
- le ragondin : il suffit qu’une rivière traverse un parc pour qu’ils soient présents.
- le hérisson : plus difficiles à observer en raison d’une activité plus discrète, leur présences est quasiment systématique
- le merle noir : impossible de ne pas rencontrer cet oiseau dans les parcs
- le pic vert : oui, avec un peu de réussite, on peut voir ce bel oiseau en ville
- la pie bavarde : ok, ça n’est pas l’espèce qui nous attire d’emblée … et pourtant, son plumage est des plus beaux.
Il va de soi que cette toute petite liste n’est pas du tout exhaustive. Surtout concernant les oiseaux. Plusieurs dizaines d’espèces d’oiseau peuplent les parcs urbains.
Les lieux calmes
Le deuxième type d’endroit favorable à la présence d’animaux sauvages en ville sont ceux où l’homme ne va guère.
Oui, il y a des endroits très peu fréquentés, à l’abri de toute circulation, de toute nuisance sonore. Ce sont les cimetières.
Ça n’est pas l’endroit dont on rêve en premier pour faire de la photographie animalière. Mais force est de constater que la tranquillité inhérente à ce lieu favorise la présence de certaines espèces.
Le renard en tête.
Il va sans dire que photographier dans un tel endroit demande d’infinie précautions. Je ne saurais trop vous conseiller de vous mettre en relation avec les services compétents.
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Quand photographier les animaux en ville
Le matin très tôt et le soir. Pile quand les activités humaines sont en pause. Et que les hommes ont pris possession de leurs habitations.
Remarquez que ça ne change pas de ce que vous pouviez faire à la campagne !
De magnifiques photos ont été prises en pleine nuit, à la lumière des lampadaires et autres éclairages nocturnes. Mais très souvent avec l’apport de lumière de flashs. Ça demande du matériel et pas mal de savoir faire.
C’est pourquoi je vous conseillerais de concentrer vos efforts surtout le matin, au moment du lever de soleil. C’est souvent à ce moment que l’activité animale est la plus importante. Les rues, les trottoirs, les allées, les cours sont encore vides de monde, les animaux en profitent !
Alors même s’il est tentant de rester au chaud sous la couette, faites-vous violence pour sortir aux aurores. De toute façon, même si vous en rencontrez pas un animal, vous découvrirez votre ville sous un nouveau jour !
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Comment trouver les animaux sauvages en ville ?
Autant à la campagne, recherche la présence d’un animal est déjà une activité intéressante en soi, autant le faire en ville est, à mon avis, plus problématique.
Enquêter sur les indices de présence de la faune urbaine est compliqué. Les lieux de passages répétés sont moins visibles, les crottes ont une durée de vie plus courte (nettoyages possibles) .
Alors comment faire pour ne pas devoir arpenter toutes les rues d’une ville la nuit en espérant croiser la route d’un animal ?
Il suffit d’utiliser les ressources locales. Il n’y en a pas des milliers, mais celles disponibles sont très efficaces.
Le secret réside dans le fait de demander aux personnes fréquentant quotidiennement les mêmes endroits.
- les employés des services entretiens (je pense à ceux qui conduisent les engins de nettoyage)
- les chauffeurs de taxis.
- les chauffeurs de bus.
Vous n’avez qu’à vous présenter en tant que photographe réalisant un reportage sur la faune urbaine. Ça fonctionne toujours très bien et vous serez surpris des résultats !
Pas la peine de choisir un taxi aussi vieux hein ! CC0 Creative Commons
Le mot de la fin
L’une des principales raisons qui explique une photo animalière réussie est de retourner le plus possible au même endroit (à condition bien sur d’être certain de la présence d’un animal).
C’est valable pour la faune des campagnes, mais aussi pour celle des villes.
Mon conseil pour terminer est alors assez simple. Ne vous dispersez pas. Focalisez-vous sur une espèce en particulier, sur un lieu en particulier, sur un projet en particulier.
Les visites fréquentes vous aideront à fatiguer la chance, comme le disait le célèbre naturaliste Robert Heinard.
Enfin, je vous conseille de voir cette vidéo de Fabien Wohlschlag dans laquelle il explique comment il a photographié des renardeaux en pleine ville : Cliquez ici
Dernière chose, j’avais fait une vidéo il y a 3 ans à ce sujet. Cliquez ici pour la voir.
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