Serge Monette et son band à l'émission Planète Country sur TFO (Télévision française de l'Ontario) interprétant l'une des chansons de son nouvel album, "Frenchie".
Titus - Serge, les critiques suite à la sortie de ton nouvel album, "Bad Luck", sont unanimes. Quand je l'ai écouté la première fois, j'ai tout de suite pensé à Zachary Richard et d'ailleurs, plusieurs critiques ont parlé d'un style "bayou nord-ontarien". Les références, par ailleurs, au pionnier de la chanson franco-ontarienne que fut Robert Paquette ne sont sans doute pas pour te déplaire ?
Déplaire, non ! Je suis content d’écrire des chansons qui sont comparables a des grands de la chanson francophone. J’écris dans un style folk-rock qui s'inscrit dans la tradition des Zachary Richard ou Robert Paquette de ce monde. Et que dire de mon accent ! Je roule mes "RRR" gros comme un 18 roues sans brakes. Et j’aime ça comme ça. Ça permet de me démarquer. Ma trajectoire est celle de quelqu'un qui roule lentement mais de manière assurée.
Titus - J'aimerais que l'on revienne un moment sur ton parcours. Peux-tu nous décrire, dans un premier temps, la ville où tu as vu le jour ? En quoi est-ce un lieu spécial à tes yeux ?
Titus - Comment es-tu venu à la musique ? Te rappelles-tu de tes premiers pas à la guitare ?
Mon père m’avait acheté ma première guitare à l’âge de 7 ans. J’ai suivi des cours dans un centre communautaire francophone. Aucun membre de ma famille immédiate n'était musicien. Mon père aimait beaucoup chanter dans son camion des "hurting songs". Il adorait la musique country américaine. Ça l’aidait à rester éveillé durant les longs voyages entre Toronto et Hearst.
La chanson "Deux minutes", extraite de l'album "18 Roues", interprétée live en 2003 à l'émission Le Garage sur TFO.
Titus - Quels musiciens ont compté dans ton éducation musicale ? Les critiques te comparent parfois, musicalement, à Neil Young ou Springsteen. Ce sont des artistes que tu as beaucoup écoutés ? Y en a-t-il d'autres ?
Il y a aussi Wilco, Dylan, Gaston Mandeville, Richard Séguin, Daniel Lanois. Les artistes de musique country qui ont eu un impact sur mes créations sont Merle Haggard, Johnny Cash et Hank Williams Sr.
Titus - Côté franco-ontarien, que représentent pour toi des figures comme Cano, Paul Demers ou Robert Paquette ?
J’ai eu la chance de faire la tournée avec Demers, Paquette et Marcel Aymar (ancien membre de Cano). Ce sont des artistes accessibles qui m’ont beaucoup inspiré dans ma démarche artistique. J’ai pu apprendre davantage sur le métier et approfondir mes connaissances du répertoire franco-ontarien.
Titus - Sudbury et le Nord de l'Ontario de façon générale ont constitué une formidable pépinière de talents pour l'Ontario français. On peut parler de la chanson, du théâtre ou de l'écriture. Si l'on pense à Cano, par exemple, il n'était pas rare que toutes ces disciplines se trouvent entremêlées... Quelles furent tes premières expériences culturelles à Sudbury. Ont-elles été déterminantes pour la suite de ton parcours ?
Titus - Nous nous étions croisés à Hearst, dans les studios de CINN FM, en 1996. A l'époque, tu faisais partie du groupe franco-ontarien Cormoran, qui était considéré comme l'une des principales figures de la relève. Peux-tu nous raconter l'histoire de sa naissance ?
Titus - Tes créations avec Cormoran t'ont propulsé à l'avant-scène de l'univers de la musique franco-ontarienne. A quel moment a surgi l'idée d'entamer une carrière solo ?
Après l’enregistrement démo, je voulais trouver de l’argent afin de faire un album LP. Cependant, j’étais en transition et je venais de terminer l’Université. J’ai quitté la région de Sudbury pour m’établir à Toronto et il était devenu difficile pour les membres du groupe de continuer le projet. Ils n’avaient pas les mêmes ambitions que moi. Après discussion avec Jacques Grylls, nous avons mis fin au projet Cormoran.
La chanson "Douceronne" à l'émission Planète Country de TFO, en 2007.
Titus - "18 Roues", ton premier album publié en 2003, avait eu un retentissement important. Le son est devenu plus rock qu'à l'époque des débuts avec Cormoran, non ?
Titus - Les références à Neil Young, justement, ou Springsteen, ne sont pas totalement fortuites dans la mesure où comme eux, tu es un véritable conteur. Mais n'est-ce pas aussi un trait constant du folklore franco-ontarien ?
La chanson franco-ontarienne est très diversifiée. On retrouve du rap, du rock, du traditionnel, du lounge, etc.
Je fais une musique qui me plaît. Et même si ce n’est pas la soupe du jour où à la mode, cela me convient.
Titus - L'écriture, chez toi, n'est jamais reléguée au second plan. Tes textes sont d'une grande sensibilité, ce qui n'empêche pas un petit penchant rebelle, non ?
Un peu rebelle, possiblement. J’aime écrire des chansons sur des personnages écorchés et qui ont quelque chose à dire de leur situation. J’aime le mélange du français et de l'anglais dans mes chansons. Je préfère l’image et la sonorité avant la rime parfaite.
Titus - Quels autres thèmes affectionnes-tu dans ton écriture ?
Titus - Bien qu'enracinées dans un contexte culturel bien défini, celui de l'Ontario français, je crois que ton album a un écho universel
Je crois que les chansons sur "18 roues" et "Bad Luck" sont universelles, en effet. En tant qu’artiste, je veux parler de mon environnement ou de mon héritage culturel tout en étant universel. C'est un défi en soi.
Titus - Tu as écrit conjointement avec certaines des plus belles plumes de l'Ontario francophone, à l'instar de Patrice Desbiens ou de Robert Dickson. Peux-tu nous raconter en quelles circonstances ?
"30 ans de chansons" fut un spectacle concept où l’on interprétait les grands succès de l’Ontario français. Chacun de nous représentait une décennie. Paul les années 70, Josée les années 80 et moi, les années 90. Ce spectacle a beaucoup tourné en Ontario français.
Un court extrait du spectacle "30 ans de chansons" avec Paul Demers et Josée Lajoie, filmé le 17 février 2005 au Ottawa Winterlude Snowbowl.
Titus - Avec "Bad Luck", ton second album qui vient tout juste de sortir, tu n'hésites pas à évoquer des sujets tabous, à l'image de l'histoire de Reesor Siding, fait douloureux survenu en 1963. Peux-tu nous rappeler le contexte de cette chanson ?
Titus - Est-ce que certains t'ont reproché de faire resurgir ces faits qu'on cherchait à oublier ? Pourquoi as-tu choisi d'en parler ?
Personne n’a rien dit de négatif encore… "knock on wood". ("Je touche du bois", NDT) Cette histoire m’a troublé et j’ai voulu la partager sous la forme d'une chanson. J’ai une licence en Histoire, donc l’Histoire m’a toujours plu.
Titus - Peux-tu nous dire deux mots de l'équipe qui t'a entouré pour l'enregistrement de cet album ? Où a-t-il été enregistré, dans quelles conditions ? Et en combien de temps ?
L'album a été enregistré à Ottawa, au Little Bull Horn, sur ruban plutôt que numériquement. En studio, c’est brut à 100% : tout a été capté en quelques prises, « live off the floor », comme on dit dans l’industrie : c’est-à-dire lors d’exécutions en ensemble, non pas instrument par instrument. Mes voix et guitares acoustiques, pour la plupart, ont été enregistrées par après, à mon domicile.
Titus - J'ai noté la participation de la Fransaskoise Anique Granger, dans les choeurs. C'était votre première collaboration ?
Oui, c'était une première collaboration. On se connaît depuis plusieurs années et Shawn, le co-réalisateur, a proposé qu’on demande à Anique de chanter avec moi sur "That’s Life". Elle a bien marié sa voix à la mienne.
Titus - Maintenant que l'album est sorti, quels sont tes projets ?
Essayer de booker des spectacles et faire connaître les chansons. Faire des showcases, etc.
Titus - La chanson franco-ontarienne demeure encore largement méconnue en dehors des "frontières" de l'Ontario. Comment l'expliques-tu ? Est-ce lié à un problème de distribution ?
Titus - As-tu le projet de venir présenter tes chansons en France ?
Pour le moment, je n’ai pas de contact en France; c’est un peu difficile pour moi de vendre mon produit ou mon spectacle sans connections. Cependant, je crois que, dans un avenir à moyen terme, j’irai faire un tour sur le vieux continent. Je suis toujours ouvert aux opportunités.
"L'autre bord d'la track" , enregistré dans le cadre de l'émission Le Garage, sur TFO, en 2003
Crédits photo : Pierre Perreault.
POUR EN SAVOIR PLUS :
Le site officiel de Serge Monette. Dans la rubrique discographie, il est possible d'écouter la totalité des titres des deux albums solo. Les paroles des chansons y figurent également. Possibilité de commander le CD en contactant directement Serge Monette.
Le site MySpace de l'artiste.
Pour commander le disque : Archambault Musique, Canada, ou encore le site de l'APCM (association des professionnels de la chanson et de la musique en Ontario français).
On peut aussi télécharger les fichiers audio par le biais de Puretracks. Indiquer "Monette" dans la recherche (search by artist).