Edrine Samba est une entrepreneuse franco-congolaise. Ses actions ont souvent touché l’initiative entrepreneuriale au niveau de la diaspora souvent en direction de l’Afrique. Elle a entre autre animé l’association Bakento (les femmes en kikongo). Du côté de Pointe-Noire où elle réside, elle mène des actions dans les domaines de l’entreprise et de la culture.
Elle vient de publier un livre où elle tente de donner du sens aux patronymes congolais. Un ouvrage intéressant, assez bref. On y découvre donc des traductions de noms de famille ou de valeurs culturelles dans quelques langues d’Afrique centrale, à savoir le kongo, le mbochi, le bembé, le vili. Avant d’entrer dans le choix des patronymes d'Edrine Samba, peut-être serait-il intéressant de revenir sur le contexte dans lequel ce livre est produit. Environnement que je considère comme catastrophique en Afrique centrale. Après les traites négrières, la colonisation, la mondialisation des contenus audiovisuels, on constate une perte de repère dans la manière de nommer. Par exemple, l’imposition du patronyme du père à la fin des années 1940 au niveau des états civils en Afrique équatoriale française achève de déconstruire la transmission par des éléments du lignage ou par les alliance de famille comme l’amitié. D'où cette manière de nommer où l’idée de réincarnation n’est jamais trop loin. Ce livre ne répond pas vraiment à la question « comment nommait-on avant? ». Je préfère le préciser pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Les prénoms catholiques ont donc pris une place importante pour identifier les éléments d’une fratrie portant le même patronyme. Pour beaucoup de parents, ces prénoms furent imprononçables. Par exemple, j’ai toujours été amusé d’entendre ma grand mère appelé sa fille « Ma’Sélé » pour dire Marcelline. On peut se demander pourquoi, en Afrique Centrale, il n’y a pas eu une tentative d’adaptation de certains prénoms bibliques comme cela fut le cas en Afrique de l’Ouest où on passe de Fatim, à Fatima, puis Fatou pour terminer par Fatoumata ? Idem pour David qui devient Daouda au Sénégal ou Moshe, Moïse qui finit par devenir Moussa au Mali si les valeurs de guide qu’incarnent ce personnage biblique sont celles que les parents veulent voir triompher dans la vie de leur enfant… That's the question.
La catastrophe au Congo a été introduite dans le désir de nommer différemment. De sortir des institutions religieuses. Et de recomposer. A partir des prénoms des parents. Dison que pour cette manière de nommer, si on peut regretter des formules malheureuses, l’effort de recomposition, donc de création, ne peut être négligé. Il est préférable aux vagues de nomination liés à des événements mondiaux traduisant les rapports de dominations dans la Françafrique. Ainsi ai-je des neveux prénommés Jospin, Fabius, je connais des Chirac, j’étais à la faculté avec des Giscard et vous avez des Jiresse qui jouent au football. Oui, Giresse est un prénom courant au Congo Brazzaville. Je parle de catastrophe parce qu’en regardant les résultats du baccalauréat je fus surpris de trouver des MacGyver, des Dona Beija (une courtisane dans une célèbre télénovela)… Autre élément, c’est l’attitude de la diaspora. Avec des prénoms russes quand les enfants sont nés en Union soviétique, des prénoms arabes pour les naissances en Afrique du Nord, des prénoms chinois en Chine… L’acculturation est abyssale. Bref. J’ai le discours facile sur ce sujet, moi dont les parents, membres de la FEANF à une époque où les propos de Mobutu sur l’authenticité dans les années 70 ont eu un impact certain sur leurs choix, ont choisi de me donner comme prénoms les noms de mes grands parents Jérome Réassi et Pierre Ngangoué (d’où Gangoueus).
Vous comprenez donc que le livre d’Edrine Samba arrive à un moment où beaucoup de gens dans la diaspora africaine se questionnent sur comment nommer. Bien nommer. En alliant l’esthétique, la sonorité à la valeur à transmettre. Autour de moi, il y a des Kimya, des Elikia, des Mwezi, des Mani. Dans ce livre, vous aurez quelques idées. Mais j’aimerais souligner mon regret sur le fait certains noms ne sont que des traductions rapides de verbe (en lingala). Je pense aussi qu'Edrine Samba aurait pu un peu plus chercher sur les noms de circonstance dans les différentes ethnies congolaises : Par exemple : Les jumeaux, en fonction de leur ordre de sortie avec les différentes déclinaisons par rapport aux divers régions congolaises… Idem pour celui qui vient après les jumeaux. Il y avait là un terrain exploité d’autant plus que certains Ngampika ( 2ème jumeau chez les koukouya) transmettent ce patronyme à des non-jumeaux (ce qui n’a pas de sens).
Vous trouverez cependant de très belles idées de prénoms comme Zola, Essema, Nsayi, Mayele, Lenda… Une petite idée que je propose à Edrine c’est la possibilité une page sur les réseaux sociaux pour continuer de collecter des prénoms originaux avec leur sens.
Edrine Samba, Noms et prénoms d'Afrique (Edition Bassin du Congo)La DOXA, éditeur militant