La première de ces parties, intitulée « La consultation », se déroule dans le bureau du Graaannnd professeur Boulgaghen, coach en poésie, qui entend guérir la narratrice de l’« altération mentale » provoquée par un trop lu de poésie moderne. Lacan de pacotille qui s’efforce de conduire sa patiente vers plus de réalité: « Dans votre cas, c’est… comprenez-vous, je… les humains sont tous malades du langage, c’est bien connu, les poètes le sont un peu plus que les autres… » Après toutes sortes de propos plus ubuesques les uns que les autres, le thérapeute invite sa réticente patiente à participer à un stage, une thérapie de choc dans le gymnase attenant à son cabinet: « oui, le jeu est fondamental et avec un savant bricolage certains symptômes finiront par disparaître. »
La seconde partie, le « Stage d’athlétisme poétique », voit donc la narratrice enfourcher d’abord un vélo et gravir les cols poétiques en compagnie d’Apollinaire et de Gertrude Stein. Elle est sommée de travailler son souffle afin de stimuler sa force vitale. Suit une séance de frappe sur un sac de boxe au cours de laquelle il lui faut songer à un poète particulièrement détesté, celui auquel elle doit ses « 5/20 en français ». Puis elle se coltine les haltères des mots, plus ou moins lourdes selon l’intonation. Elle doit ensuite prendre plusieurs bains avec des gants de crin afin d’ôter la crasse et « la peau des mots… la peau du dos, la peau des maux/mots », avant d’esquisser un étonnant poème de la cruauté. Le stage se terminera par diverses beuveries, une vigoureuse autocritique publique, suivie de « solilodégobillages à tout vent et dent dure pour les autres » et enfin une lecture de textes soporifiques, l’indifférence finale indiquant « une réussite probable du stage ».
Une « Fête de la poésie » constitue la dernière partie de ce livre désopilant et corrosif. Elle consiste en une série d’épreuves lors d’une sorte de foire populaire : double marathon durant lequel chaque participant porte sur son dos l’intégrale de son poète préféré ou détesté, poèmes englués « sur le fond d’une poêle à frire », joutes verbales en alexandrins ou en slam, concours de sauts où l’on doit s’efforcer d’attraper le pompon Rimbaud, un lâcher de ballons sur chacun desquels on peut lire EGO et pour conclure une élection du « forçat de la lettre ». À la fin, l’énigmatique et inquiétante Miss Drac’Ula qui a suivi la narratrice tout le long de la journée entraîne celle-ci dans un « tango… acrobatico-athlético-poético etc… etc… ahhhh… »
Jean-Claude Hauc
Anne-Marie Jeanjean, Le stage d'athlétisme poétique L'Harmattan, 96 pages, 12 €
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