Virginie Despentes, la trilogie complète au format de poche

Par Pmalgachie @pmalgachie
Troisième et dernier volume de Vernon Subutex, vaste roman où Virginie Despentes explore notre société à travers quelques personnages qui en occupent les marges, à commencer par celui qui donne son nom à l’ensemble. L’ancien disquaire, passé par le statut peu enviable de SDF, est devenu une sorte de gourou sans autre autorité que son pouvoir de séduction. Des « convergences » s’organisent autour de lui, au cours desquelles les corps et les esprits sublimés par la musique atteignent une dimension spirituelle inconnue jusqu’alors. Les plus sceptiques sont les premiers étonnés de percevoir leur capacité à découvrir la transe pure, sur un chemin qui les coupe du monde, au moins pour un temps. En l’absence de tout réseau de communication, le camp se suffit à lui-même, grâce quand même aux capacités de quelques-uns à organiser les lieux. Mais les perturbations guettent. La Hyène, dont la présence est indispensable au fonctionnement du camp, « sentait, elle aussi, un nuage sombre se former au-dessus de leur tête, un danger encore imprécis. » Le danger prend deux formes. L’argent, d’abord, menace de pourrir les relations du groupe où la gratuité était la règle : un don important modifie la donne, et Vernon Subutex n’a rien de plus pressé que de s’enfuir pour échapper aux éventuelles responsabilités de la gestion de cette petite fortune. Et puis, mais peut-être aurait-il fallu la mettre au premier rang, il y a la violence du terrorisme. Le premier volume de Vernon Subutex est paru le jour de l’attentat contre Charlie Hebdo (et donc aussi le jour où sortit Soumission, de Michel Houellebecq). Deux ans plus tard, les choses ne se sont pas vraiment arrangées et Virginie Despentes n’envisage pas que cela se calme,  en juger par les dernières pages. De loin en loin, exprimées par différents personnages, se glissent des réflexions que l’on se gardera d’attribuer à l’auteure mais qui font leur nid dans l’esprit du lecteur. A propos de la forme des attentats, une phrase terrible renvoie l’Occident à ses propres tares : « L’esthétique du massacre, c’est Hollywood qui en a fixé les règles. » Ou bien, à propos des règles de sécurité imposées en divers lieux par crainte des attentats : « La sécurité est annexe, là-dedans. Tout le monde sait qu’on ne peut jamais la garantir. Ce qui compte c’est la discipline. »
Voilà qui nous prépare un bel avenir, et nous ne pourrons pas dire que nous n’avons pas été prévenus.