La question du portrait semble traverser toute l’oeuvre de Baudoin. C’est ce que j’entendais dans un entretien diffusé il y a quelques années à la radio : le visage est un masque et il faut aller chercher ce qu’il y a derrière le masque. Dans cette bande dessinée rééditée par L’Association, cette question est centrale, comme le titre l’indique. De quel portrait s’agit-il ? Celui de Carol, celui de Michel, celui des gens rencontrés dans la rue, dans le métro ? Ou celui de Baudoin lui-même, qui apparaît dans l’album sous les traits d’un enfant. Qui est le modèle ? Y a-t-il un modèle ? Certes, une jeune femme choisie dans la rue accepte de poser pour un peintre chauve et barbu. Toutes les voix se mêlent : la jeune femme, des hommes, une autre femme, le peintre qui n’y arrive pas, qui recommence son trait de pinceau, essaie encore, espère atteindre enfin LE portrait, mais non, il ne peut pas ; « comment supporter de se voir ? » (phrase empruntée à Paul Valéry). Car c’est bien le sujet : quand il dessine l’autre, c’est lui-même qu’il dessine, son humanité. Et cela vaut pour Baudoin comme pour le personnage de sa BD. Quand il dessine un arbre, c’est encore lui.