Voilà le raisonnement qui conduit Gusto – éditeur d'une plate-forme de gestion des ressources humaines et de paye à destination des PME – à proposer aux collaborateurs de ses quelques 60 000 entreprises clientes (aux États-Unis) de bénéficier d'un service de rémunération à la demande. Dans les faits, une fois l'option « Flexible Pay » activée par son employeur, le salarié va, en quelques clics, pouvoir choisir librement le jour auquel il désire recevoir les revenus correspondant au travail qu'il a effectué jusqu'alors.
Grâce à sa connaissance intime des opérations de ses utilisateurs, non seulement leur rémunération et les conditions attachées (charges et avantages) mais également leur activité réelle (avec ses outils de suivi), Gusto peut en effet déterminer précisément et à tout moment à quel montant chacun peut prétendre. En arrière-plan, afin de rendre le fonctionnement du dispositif totalement transparent pour les entreprises, elle avance les sommes demandées et les réintègre ensuite dans les processus de paye habituels.
Dans l'esprit de ses concepteurs, « Flexible Pay » constitue une réponse nécessaire aux difficultés des millions d'américains qui vivent pratiquement au jour le jour. Ils éviteront de la sorte de recourir à une carte de crédit ou à une avance sur salaire, extrêmement onéreuses, que ce soit pour assumer leurs dépenses courantes ou pour faire face à un imprévu. En filigrane, il s'agit aussi de restaurer une certaine justice dans un système qui, en réalité, impose aujourd'hui au salarié de faire crédit à son employeur.
En alignement avec ces grands principes, Gusto offre son option gratuitement aux PME et à leurs collaborateurs. À l'avenir, la société pourrait toutefois envisager d'évoluer de son approche « artisanale » actuelle vers un véritable produit financier, pour lequel il lui faudra trouver un modèle économique. En l'occurrence, la marge de manœuvre que lui laissent les exploiteurs de personnes en situation précaire devrait lui faciliter la tâche, comme le démontre l'émergence de plusieurs acteurs sur ce créneau.
Dans cette perspective, « Flexible Pay » deviendra alors un exemple supplémentaire de la tendance inéluctable vers l'immersion de la banque au cœur des services du quotidien. N'est-il pas logique que les problématiques de distribution des salaires soient prises en charge de bout en bout par les employeurs (avec l'aide de leurs prestataires) ? Dans un premier temps, une telle approche – qui s'impose déjà dans l'économie collaborative – sera considérée comme un avantage spécifique… avant qu'elle ne devienne la norme… Les institutions financières sont-elles prêtes à cette transformation de leur rôle ?