Le corniste virtuose Alessio Allegrini
Programme composite pour cette deuxième soirée du Festival Richard Strauss avec The Unanswered Question de Charles Ives, le premier Concerto pour cor et orchestre de Strauss et la Symphonie "Pathéthique" de Tchaïkovski, interprétés par le Wiener Symphoniker dirigé par le chef espagnol Gustavo Gimeno. Le programme fut introduit de manière vivante et didactique par Alexander Liebreich, le directeur du Festival, qui eut la bonne idée d'animer sa présentation par une interview du corniste virtuose italien Alessio Allegrini qui a évoqué de manière très vivante sa passion pour son instrument.The Unanswered Question, en ouverture de soirée, est une courte oeuvre de six minutes qui tente de poser musicalement la question du sens de l'existence, sans parvenir à y apporter de réponse, comme son titre le souligne. L'oeuvre pour ensemble de cordes, trompette solo et quatuor à vent avait été composée en 1908. Pour son exécution Gustavo Gimeneo a choisi de séparer la trompette et le quatuor de l'orchestre, en les faisant s'installer dans les tribunes à gauche de la salle, approchant ainsi quelque peu les indications de Charles Ives qui souhaitait que l'orchestre d'une part, et le soliste et le quatuor de l'autre, ne soient pas en contact visuel, les trois groupes jouant dans des tempos indépendants. En principe, les cordes ne devaient pas se trouver en scène. Les cordes jouent un long pianissimo en progression, comme une longue méditation continue, que viennent perturber les interventions dissonantes et cacophoniques du quatuor et de la trompette.
L'oeuvre la plus attendue était bien sûr le Concerto n°1 pour cor et orchestre que le jeune Richard Strauss composa en l'honneur de son père Franz, un célèbre corniste virtuose du cor d'harmonie. Strauss composa plusieurs pièces pour son père, qui lui-même écrivit des pièces pour cor, mais le père refusa d'interpréter ce premier concerto, estimant la partie pour cor trop périlleuse. Oeuvre de jeunesse, elle reste très romantique. De fort belle facture, elle permet de mettre en valeur les possibilités dynamiques, coloristes et expressives du cor dont le virtuose Alessio Allegrini a donné une éclatante et magistrale démonstration, très applaudie par le public straussien. Allegrini donna ensuite un encore au cours duquel il nous offrit un échantillon des possibilités aussi variées que méconnues de son instrument. Un régal!
La seconde partie, sans doute en raccord romantique avec le concerto pour cor, proposait la sixième symphonie de Tchaikovski, une "symphonie à programme" que le compositeur voulait exemplaire. Un programme rempli des émotions qui secouaient le compositeur dont on sait qu'il pleura beaucoup en le composant. Mais voila, de l'aveu même du compositeur, l'orchestration de la "Pathétique" est fort difficile, un énorme défi tant pour le chef que pour l'orchestre, qui n'a pas vraiment été relevé hier soir, faute peut-être de répétitions et d'ajustements suffisants. La rigueur, la précision et la définition des différentes parties de l'orchestres n'étaient pas vraiment au rendez-vous, ce qui a été donné à entendre dès l'allegro vivo du premier mouvement dont l'impétuosité inattendue doit être très précisément dirigée pour être rendue. Ce fut aussi le cas du maelstrom qui plus loin engloutit les trompettes, mais loin du tourbillon tempêtueux on eut droit à une bouillie sonore. L'exécution de la dernière oeuvre du grand compositeur russe n'a logiquement reçu que des applaudissements polis sinon évasifs d'un public qui s'est peut-être posé une Unanswered Question, la question elle aussi sans réponse de savoir s'il est judicieux d'ouvrir le festival à des oeuvres qui n'ont pas grand chose à voir avec la création straussienne, au risque de lui faire perdre sa spécificité.
Festival Richard Strauss, à Garmisch et Ettal jusqu'au premier juillet inclus.
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