Aujourd’hui sort en France, aux éditions de l’Echappée, I’m your man, sa biographie du poète et musicien canadien Léonard Cohen. Sorti en 2012 et traduit dans 20 langues, dont le français du Québec, le livre n’avait jamais été publié en France : « Plusieurs fois, le livre a failli y être édité et puis à chaque fois les éditeurs se sont désistés pour des raisons assez absurdes… » sourit-elle aujourd’hui. « Je suis très heureuse que le livre paraisse, d’autant plus que j’ai vécu en France il y a quelques années, et la promotion du livre va me donner l’occasion d’y revenir. » Depuis San Francisco, à une heure que personne n’a réussi à déterminer avec précision, elle a répondu à quelques questions des Lettres Françaises.
Quand avez-vous découvert l’œuvre de Leonard Cohen ?
Sylvie Simmons : J’avais environ 13 ans quand j’ai entendu sa musique pour la première fois. C’était sur « The Rock Machine Turns You On », une compilation d’artistes de Columbia Records. L’album était au prix d’un 45 tours : plein de jeunes, qui comme moi n’avait de quoi acheter que des singles, purent se l’offrir ; et ça nous a permis de découvrir Dylan, Simon & Garfunkel, Laura Nyro, etc. La chanson de Cohen sur l’album était Sisters of Mercy. En l’entendant, j’ai eu l’impression d’une voix qui me parlait personnellement, qui cherchait à confier un secret. Dès que j’ai eu un peu d’argent à moi, j’ai acheté ses disques et ses livres.
Quand et comment vous est venue l’idée de lui consacrer une biographie ?
Sylvie Simmons : En 2001, j’ai parlé avec Leonard Cohen, au moment de la sortie de son album, Ten New Songs. J’ai écrit un long article sur lui pour le magazine Mojo. On a parlé pendant trois jours, et comme beaucoup de gens qui l’ont rencontré, j’ai eu le sentiment que c’était la meilleure conversation de toute ma vie ! Mais j’ai aussi eu l’impression que certains des ses réponses étaient parfois un peu diplomatiques, et j’ai eu envie d’aller plus loin. Il m’a dit qu’il avait beaucoup aimé mon livre sur Serge Gainsbourg, et qu’il aimerait que quelqu’un écrive quelque chose comme ça sur lui après sa mort. J’ai dit : pourquoi attendre ?
J’étais très surprise du petit nombre de livres qui lui étaient consacrés, et de leur médiocre qualité. Leonard Cohen m’a apporté tout son soutien. Il m’a autorisé à parler à tous les gens qu’il avait connus, sans restriction. Il m’a donné accès à ses archives personnelles, on a déballé ensemble des cartons de vieilles photos. La seule recommandation qu’il m’a faite, c’est : « N’enjolivez pas les choses. » C’est une attitude assez remarquable dans le monde de la musique.
Ces dernières années, il s’astreignait à des tournées longues et très exigentes pour un homme de son âge. Pourtant, il semblait véritablement heureux de retrouver son public, ce qui n‘a pas toujours été le cas…
Sylvie Simmons : Il avait abandonné la scène il y a longtemps, car il avait toujours détesté les tournées qu’il ne supportait qu’en buvant de grandes quantités d’alcool. Il avait l’impression que c’était une opération promotionnelle, et qu’il prostituait sa musique, son art, pour vendre des disques. Mais lorsqu’il a eu besoin d’argent, après avoir été escroqué et ruiné par sa comptable, il a dû repartir en tournée et il s’est rendu compte que ça lui avait manqué. Sur scène, malgré son âge, il était leste comme un Fred Astaire ! Même après avoir regagné l’argent qu’on lui avait volé, il a continué à se produire en public, avec enthousiasme : il avait fini par apprendre à aimer ça.
En tant que musicienne, quelles sont vos influences ? Est-ce que Leonard Cohen tient parmi elles une place importante ?
Propos recueillis et traduits par Sébastien Banse
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