Amadou Fall Ba est directeur du festival Festa2h . Ce festival, porté par l’association Africulturban créée en 2006, s’intègre dans une année 2018 d’événements pluridisciplinaires célébrant 30 ans de hip hop au Sénégal. Rencontre.
Amadou Fall Ba, quelle est la particularité de cette 13e édition de Festa2h qui se déroule à la Maison de la culture Douta Seck du 20 au 23 juin ?
Depuis le début de cette année, Africulturban, qui organise le festival Festa2h, a décidé de célébrer les 30 ans du hip-hop au Sénégal. Et donc la programmation du festival devait plus ou moins répondre aussi à cet état d’esprit. On a essayé de faire un projet où on mélange les générations, où on invite beaucoup d’artistes – nous sommes à 100 artistes pour 4 soirées. La particularité de la programmation réside aussi dans le fait que nous avons invité beaucoup d’écoles de hip hop différentes ; les old-school et les new-school comme on dit dans notre jargon. Et globalement on va plutôt parler de “true school” où vous allez pouvoir retrouver autant un jeune qui vient de démarrer, que quelqu’un qui est là depuis 10 ou 30 ans ou même quelqu’un qui n’est plus vraiment dans la musique mais qu’on a fait revenir pour l’occasion. Donc beaucoup d’artistes très différents en termes de trajectoires et d’histoires dans le rap sénégalais.
Le Festa2h cette année ce sont quatre soirées : Hardcore stage le mercredi, open stage le jeudi, next stage le vendredi et goldstage le samedi. A quoi font référence ces thématiques ?
En termes de répartition des quatre concerts, on a voulu jouer sur les types de rap, sur la manière dont les gens le conçoivent ici en termes d’état d’esprit. La première soirée intitulée hardcore stage est constituée à 90% d’artistes qui se réclament de cette mouvance : Nit Doff, Hardore side… L’open stage, jour de la fête de la musique, on a davantage mélangé. Le next stage est une soirée où on a regroupé la nouvelle génération à 90% et le goldstage est exclusivement réservé aux anciens, comme les Positive Black Soul, Yatfu etc.
Sur vos affiches on peut aussi lire “Le hip hop galsen se mobilise contre la migration irrégulière”. Qu’est ce que cela recouvre ?
Nous avons longuement discuté de ce qui se passe, notamment en Libye. Nous n’étions pas en phase avec la manière dont tout cela a été traité par les médias occidentaux, ni en phase avec le laxisme de nos Etats ici.
Nous sommes, en tant que “hip-hoper” pour la mobilité internationale. Pour nous, ces histoires de frontières ne reposent sur absolument rien du tout. Les frontières doivent être ouvertes. Les gens doivent pouvoir quitter le nord pour aller vers le sud et vice versa. Mais il y a toujours des barrières pour des raisons économiques et politiques et on entend des choses comme “on est pas là pour accueillir toute la misère du monde”. Pourtant ceux qui disent ça sont chez nous aussi sans y être invités.
Donc en tant que représentant du hip-hop, on ne peut pas cautionner cela. Et ce qui nous intéresse, c’est de dire aux jeunes aussi qu’il faut partir s’ils le veulent, mais il faut faire attention, ne pas risquer sa vie pour aller mourir en Méditerranée.
Si vous deviez choisir trois mots pour résumer 30 ans de hip hop au Sénégal, quel seraient ils ?
Doutes, incertitudes et espoirs.