La mauvaise méthode Elle consiste à entraîner les enfants dans des entreprises sportives trop éprouvantes pour leurs petites jambes. Le menu idéal pour les dégoûter de la randonner serait à peu de choses près le suivant : - leur faire parcourir des dizaines de kilomètres à une vitesse démesurée - ne faire que de courtes pauses - partir à l'heure où le soleil est le plus haut et les faire souffrir de la chaleur - réaliser des dénivelés de folie - répéter l'entreprise chaque jour Il est évident que des dénivelés quotidiens entre 700 et 1000 mètres ne sont pas forcément adaptés à des enfants de dix ans dont la condition physique et le goût pour la performance ne sont pas développés. Le dépassement de soi n'a pas encore cours à cet âge là et un enfant ou un ado n'ont strictement rien à cirer du fameux crédo "je le fais pour tester mes limites". Transmettre n'est pas soumettre et ce n'est pas ainsi que l'on inoculera aux jeunes le virus de la montagne. Pire, ils finiront par la détester et par espérer chaque matin en ouvrant les volets du chalet que la pluie soit au rendez-vous et que la torture du jour soit annulée. La mauvaise méthode, c'est prendre la montagne pour un mur d'escalade ou un camp de redressement sportif pour jeunes délinquants. C'est ignorer les mythes qui la façonnent et les richesses qui la composent, reléguer la faune et la flore au second plan. C'est ne faire figurer au registre des souvenirs de vacances que des chiffres, des courbatures et des ampoules aux pieds.
Une autre approche Il est évident qu'il faut partir de la capacité de l'enfant et il est impossible d'établir une règlementation là-dessus : chaque petite personne a sa propre résistance, sa propre envie, sa propre tolérance à l'effort et à la souffrance physique. Car, on ne va pas se mentir, randonner, c'est avant tout galérer. Mais pas au point d'en pleurer, certainement pas. Pas au point de maudire le gentil marcheur croisé sur la route et qui traitera vos gambettes de douze ans de "jambes de gazelle" en pensant que vous survolez la pente, alors que vous agonisez en silence. La bonne approche, c'est toujours faire pencher la balance du côté du plaisir. Ce n'est pas marcher loin devant et attendre, c'est tenir par la main et aller au rythme de l'enfant. C'est écouter son souffle, guetter son pied fatigué qui commence à trébucher, débusquer le sourire qui se crispe et la réponse qui se fait plus brève, moins animée, un peu fâchée. Ce qui est drôle, c'est que si votre enfant possède une très bonne condition physique malgré son jeune âge, les personnes que vous croiserez dans vos folles randonnées pourront vous regarder comme un parent tortionnaire alors vous êtes loin de l'être ! A l'image de ces marcheurs croisés sur le chemin du Lac Blanc et qui prenaient pour une folle la mère indigne (moi, en l'occurrence...) qui obligeait son enfant d'à peine quatre ans à monter là-haut. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que je ne le referais peut-être pas aujourd'hui. Non pas parce que je me suis a posteriori sentie coupable de reproduire le schéma, mais parce que quelques années plus tard, le même enfant n'aurait plus la même envie spontanée, la même résistance, la même motivation. Et c'est là qu'il faut savoir réfréner ses ardeurs.
Égoïsme vs empathie La randonnée est avant tout une épopée solitaire, une aventure à la fois avec et contre soi-même au cours de laquelle il est difficile de manager l'autre quand on est soi-même en proie à la fatigue et au doute. Le risque, en emmenant ses enfants dans ses délires de cimes, c'est de se mettre au centre de l'action et de satisfaire sa propre passion égoïste. Il est difficile d'admettre que l'on ne peut pas tout faire, que l'on doit revoir ses ambitions estivales à la baisse pour s'adapter à ceux qui vous accompagnent. Au passage, cela est également valable avec des adultes. Soit on part seul et on fait ce que l'on veut, soit on prend l'autre en considération et on choisit des sommets abordables à tout le groupe. En fait, la randonnée à plusieurs est une excellente leçon de vie. Et puis, hormis la destination finale, le col au bout du monde, la vue sur toute la chaîne du Mont Blanc, c'est le chemin lui-même qui a de l'intérêt et c'est sans doute cela qu'il faut privilégier. Plein d'idées peuvent émerger de cette réflexion : - conduire l'enfant sur les sentiers de votre enfance - lui montrer la fonte des glaciers avec un "avant" en photo et un "après" sur le terrain - réaliser un herbier de fleurs de montagnes en les dessinant (il est bien entendu interdit de les cueillir) - organiser un safari photo avec au programme bouquetins, chamois et marmottes (pourquoi pas après les avoir étudiés de près au Parc Merlet) - avoir pour but un pique-nique royal en altitude - s'imaginer dans une aventure de Tintin à la recherche du fameux temple Inca - entamer la conversation avec d'autres marcheurs (spéciale dédicace à ces adorables randonneurs valaisans en extase devant la pointure 27 qui arpentait leurs sentiers avec autant de bonheur et de fougue).
A vous de trouver votre recette pour partager et transmettre l'amour de la montagne, en douceur et avec le sourire !