Bien que développée dans le cadre du bac à sable réglementaire de Singapour, l'initiative, baptisée Vitana, met en jeu des moyens conséquents, impliquant notamment 5 partenaires : outre MetLife, le ré-assureur Swiss Re, la chaîne de cliniques OB-GYN, l'intégrateur Cognizant et le spécialiste de la gestion de données médicales Dragon Vault. L'objectif qu'ils visent avec leur projet consiste à mettre au point une solution optimisée de couverture contre les risques de diabète gestationnel chez les femmes enceintes.
Comment fonctionne-t-elle ? La cliente commence par souscrire depuis une application mobile dédiée. Une fois la procédure terminée et la prime réglée, un contrat intelligent (« smart contract ») est déployé sur une blockchain privée, tandis que les informations personnelles de l'assurée sont sécurisées (et restent invisibles de la compagnie). Lors de ses examens cliniques, les résultats, enregistrés sous forme numérique, déclenchent automatiquement un remboursement si les conditions de la police sont réunies.
En considérant qu'un contrat intelligent n'est ni plus ni moins qu'un logiciel déclenché par un événement, où est l'apport de la blockchain dans ce parcours ? Nulle part : ce qui nous est présenté là est un mécanisme d'assurance santé tout ce qu'il y a de plus classique… dans la mesure où il a été automatisé. À y regarder de près, ce fait est même explicite dans la description de la démarche : l'enjeu est avant tout d'éliminer les défauts d'une infrastructure basée sur des silos de données et des processus manuels… et de convaincre les cliniques de « digitaliser » leurs opérations.
Or le remplacement de tâches humaines par des algorithmes est l'objet de la majorité des projets informatiques depuis des décennies, bien avant que la folie de la blockchain ne déferle sur le monde. Pourquoi faudrait-il donc introduire une nouvelle technologie afin de résoudre un problème pour lequel une solution existe déjà ? En l'occurrence, la seule justification proposée par MetLife est absolument renversante !
Il est en effet question de l'instauration d'une confiance renforcée entre le client et l'assureur, grâce à l'automatisation totale des remboursements. D'une part, l'argument implique que les intéressés s'en remettent à un contrat intelligent, alors qu'ils n'ont pas, pour la plupart, la capacité ni la volonté d'en analyser et en comprendre les termes (ce qui, dans un contexte différent, peut conduire à des dérives extraordinaires). D'autre part, il constitue un formidable aveu d'impuissance, alors qu'un des seuls avantages des institutions historiques face aux nouveaux entrants est leur capital confiance.
A minima, l'idée manque de sens économique. Car, en admettant que la blockchain offre effectivement, dans certaines circonstances, un substitut aux intermédiaires de confiance traditionnels, cette promesse s'accompagne d'un coût non négligeable (la confiance se paye !), à comparer à l'actif que représente une marque établie, dont la notoriété joue le même rôle auprès des clients. La transition d'un modèle vers l'autre peut être une option stratégique mais une telle révolution ne paraît pas être à l'ordre du jour avec Vitana.