Dans Juste la fin du monde, Jean-Luc Lagarce (et Xavier Dolan) racontent le retour dans sa famille d’un homme qui n’a pas donné de nouvelles depuis plusieurs années et revient pour tenter d’annoncer sa maladie, ce qu’il ne fera finalement pas, mais ce retour réveillera des souvenirs et révèlera l’écart qui s’est creusé entre lui et les autres.
Retour à Bollène m’a fait penser à ce texte, à ce film. Parce qu’il s’agit d’un retour, parce qu’il y a une discussion entre les deux frères dans une voiture, parce que le réalisateur sait montrer les relations difficiles entre ce fils qui revient et sa mère, comme il sait montrer à quel point le grand frère n’a plus grand chose en commun avec la plus jeune soeur.
Son éloignement géographique (il vit à Abu Dhabi parce qu’il n’a jamais trouvé le moindre stage à Bollène quelques années auparavant) et le fait qu’il ait intégré un autre milieu (celui de la finance internationale tandis que son frère continue des petits trafics dans la cité) font de lui un étranger.
Pourtant, un de ses professeurs dit qu’il est (était) l’exemple de l’idéal républicain.
Qu’est-ce qui s’est cassé ? À Bollène, les milieux sociaux ne se rencontrent pas. La Ligue du Sud qui dirige la Mairie a mis fin aux cours de français et n’envisage aucune activité qui favorise la rencontre. Et Nassim ne comprend pas que les membres de sa famille ne se révoltent pas, qu’ils acceptent des arrangements avec ce système. La fiancée américaine avec laquelle il vient ne supportera pas qu’il soit à ce point rempli de rancoeur et le laissera face à lui-même.
Il faudra bien qu’il revoie son père, quoiqu’il affirme tout au long du film qu’il ne le veut pas. La scène, qu’on attend, dit que la dignité n’a rien à voir avec la fierté, que ce qui nous fait égaux, c’est le travail, et que, peut-être, il est encore important de savoir reconnaître une salade.
Mais il reste à Nassim du chemin à parcourir. Sa mère prétend qu’elle retournera au Maroc dès que sa fille sera mariée. Son père reste attaché à la terre. Et lui va repartir à Abu Dhabi où il espère que sa fiancée l’attend mais la chanson du générique (qu’on a entendue dans le film) parle de la mort. Sommes-nous déjà morts ?