Une fille modèle de Karin Slaughter 3,75/5 (11-04-2018)
Une fille modèle (608 pages) est sorti le 7 mars 2018 dans la collection Noir des Editions Harper Collins (traduction : Eve Vila).
L'histoire (éditeur) :
Le 16 mars 1989, deux hommes masqués se sont introduits dans la maison qu’occupaient la femme et les deux filles de Rusty Quinn, avocat de la défense dans la petite ville de Pikeville. Sam a reçu une balle en pleine tête et Charlie a échappé à un viol. Leur mère est morte. 28 ans plus tard, les deux sœurs ont gardé des séquelles de leur agression. Toutes deux devenue avocates, elles n’ont plus aucun lien. Restée à Pikeville, Charlie est témoin d'un crime dans son ancien collège. Kelly Wilson, adolescente de 17 ans, tue à l’arme à feu le proviseur et une enfant. Charlie et son père n’ont plus qu’un seul recours : Sam. Elle accepte de se pencher sur le cas Kelly. À contrecœur. Parce qu’elle sait que revenir à Pikeville c’est aussi affronter le jour où le destin de la famille Quinn a basculé pour toujours.
Mon avis :
La famille Quinn vit dans une ferme centenaire de la Géorgie, installée depuis quelques jours (après qu’un cocktail Molotov jetée d’une voiture ait mis le feu à leur pavillon) en attendant que les assurances se prononcent et déterminent si l’incendie pourrait être en lien avec les activités de Rusty, père de famille surnommé « l’avocat des damnés » qui a réussi à se mettre une majeure partie de la population à dos à force de représenter les voyous de la pire espèce.
C’est dans ce lieu reculé que deux hommes cagoulés et armés font irruption, abattent Gemma Quinn sous les yeux de ses filles, Sam 15 ans et Charlotte 13 ans. Terrifiée, l’ainée tient tête aux ravisseurs et après une lutte acharnée réussi à s’enfuir.
28 ans plus tard, après une rencontre fortuite qui a abouti sur une relation d’une nuit, Charlie se retrouve dans son ancien collège afin de récupérer un bien laissé par erreur à cet inconnu d’un soir, Huck ancien marine devenu instituteur. C’est alors qu’éclate une fusillade. Kelly Wilson, une élève gothique au QI peu élevé, vient de faire irruption dans le couloir de l’école et d’abattre le proviseur et une élève. Charlie, alors avocate de la défense, assiste avec consternation à la scène. Touchée par la situation qui suit et malmenée par la police, elle décide de s’impliquer dans l’affaire en assistant son père Rusty dans la défense de la jeune collégienne. Car malgré la simplicité apparentes des faits et l’évidente culpabilité de la gamine simplette, quelque chose ne tourne pas rond et de nombreuse pièces du puzzle restent manquantes…
Mais Pikeville est une petite ville et le retour de Charlotte réveille beaucoup de souvenirs aussi bien chez la famille Quinn (où le ménage émotionnel devra être fait) que dans le paysage urbain qui ne voit pas d’un bon œil l’arrivée de cette avocate…
Une fille modèle est à mi-chemin entre le thriller juridique et le drame. A ce titre, l’intrigue se compose essentiellement d’une forte charge émotionnelle et de jargon judiciaire travaillé, elle joue sur deux tragédies, deux mystères et sur deux trames distinctes assurant ainsi un bon rythme de lecture et un intérêt toujours tenace, malgré quelques scènes et descriptions un peu plus longues qui somme toute se révèlent nécessaires.
Sans finir sur un dénouement surprenant, Karin Slaughter construit un scénario logique dont les fondations sont doucement révélées au lecteur.
Que s’est-il passé il y a 28 ans ? Comment Charlotte, laissée pour morte, a-t-elle réussi à s’en sortir ? Qui étaient véritablement les suspects de l’époque et comment en sont-ils arriver à ce carnage ? Voilà évidement des questions fondamentales qui restent dans l’esprit à la lecture. Mais l’auteure choisit de développer tranquillement son histoire familiale à travers une enquête essentiellement juridique qui va faire resurgir de nombreux traumatismes et réveiller de lointains secrets.
Alternance de points de vue et d’époque, la narration a ce quelque chose (commun à de nombreux thrillers, certes, mais toujours efficace) d’addictif qui prend d’ailleurs racine dans une première scène percutante que l’on vit le souffle court. Commence alors une lecture faite d’interrogations que l’on suit sans longueur ni temps mort entre scènes glauques, travail juridique (particulièrement intéressant et surtout bien rendu) et relation familiales basées sur des drames. C’est d’ailleurs sur ce dernier point que l’auteure a su exploité au mieux la psychologie des personnages. Il aurait été très facile de tomber dans le cliché en créant des portraits stéréotypés de victimes, mais j’ai trouvé que Karin Slaughter s’en sortait très bien.
Avec naturel et sans jouer sur l’exagération, elle façonne des personnalités attachantes, humaines et différentes (les mécanismes du traumatisme ont évidemment un rôle important mais elle se plait à garder certains secrets ne révélant la vérité qu’à coup de flash-back terribles).
Une fille modèle est un roman qui évoque ouvertement les failles du système judiciaire américain (pour lequel l’argent semble être le moyen d’envisager une défense et par là de s’en sortir) mais davantage encore la famille.
J’ai pris un grand plaisir à découvrir l’auteure à travers ce dernier roman dynamique, mystérieux et bien ficelé.