Je suis allé rendre visite à mon ami Sylvain et à sa délicieuse épouse. Ils habitent en Indonésie. Ce matin, Sylvain m'a déposé dans la ville de Jepara avant de vaquer à ses occupations. Parti à la découverte, nez au vent, j'ignorais quelles terribles épreuves m'attendaient...
Jepara est la capitale de la fabrication de meubles en bois, après avoir été, paraît-il, celle de la prostitution. Ce qui se comprend : il y a une certaine parenté entre la pipe et le guéridon en acajou. Mais les jeparettes d'aujourd'hui m'ont l'air bien honnête…
J'adore le grand col de la fille en rose. Érotique en diable... Et que signifie la main posée de la mignonne en noir ?
Les habitantes sont charmantes, mais la ville est presque aussi laide qu'une ville thaïe. Un toit en tuiles, un mur de briques sauvent parfois un bout de rue. On a aussi quelques jolis coins le long du canal mais il ne faut pas regarder de près, l'odeur de m… est parfois suffocante.
Promenade romantique malgré les remugles - tout semble si calme... Tandis que je déambule - étrange ! - je vois un dormeur du val sans trous rouges...
Puis je croise un couple de gays. Ici, l'homosexualité est réprimée par la religion. Alors ils se cachent. Mais quel est ce totem impie et tapi (dans l'ombre) qu'ils vont adorer ?
Malgré ces rencontres déroutantes, je me sens zen. Il ne fait pas encore trop chaud. Dans la rue, les gens me sourient. Certains disent que les indonésiens ont la tête près du chapeau - préjugé dont l'origine m'échappe... En fait, ce sont les gens les plus calmes du monde.
Mais au coin de la rue, l'aventure démarre. Une jeune femme... Pourquoi a-t-elle l'air si rêveuse ? Pourquoi pose-t-elle son téléphone près de son cœur ? Elle vient de recevoir un message sur Line...
Pendant ce temps, une autre jeune femme, l'air furibond, se précipite à la rencontre de la première, accompagnée d'une affreuse sorcière. Tandis que jubile le conducteur du pousse-pousse : il va y avoir des étincelles !
Car les conducteurs de pousse-pousse, au cas ou tu l'ignorerais, appartiennent à une étrange secte extrêmement malveillante. Tiens, celui-ci par exemple : regarde bien, on croirait qu'il dort, alors qu'il reçoit des instructions d'un arbre au visage inquiétant.
Je comprends qu'une terrible histoire est en train de se nouer. Je vois arriver en trombe une famille casquée comme un car de CRS (le hidjab est, paraît-il, souverain contre les embarrures et autres fractures du crâne).
Je les reconnais, ce sont les Montagu. Mais voici venir les Capulet, dans leur splendide carrosse doré. A peine arrivés, ils dégainent leurs enfants d'un air menaçant...
Pour ne pas me trouver pris entre deux feux, je saute sur un vélo qui traine et je pédale à m'éclater les poumons vers la sortie de la ville.
Au bout de quelques kilomètres, j'arrive à la mer. Horreur ! Elle est couverte d'araignées géantes...
Au loin, un sous-marin quantique de l'armée indonésienne fabriqué en bambou surveille la côte.
Imagine ma terreur quand les immenses araignées ont commencé à avancer vers moi...
Je suis reparti en sens inverse à toute vitesse. Au bout de quelques centaines de mètres, je me suis trouvé bloqué devant une mosquée. Il y avait plein de monde. Un barrage filtrant ? Non, c'était le dernier jour du ramadan, tout le village était réuni et priait. Sauf une bande d'enfants qui chahutaient.
Sylvain m'avait prévenu : "les enfants sont élevés dans la haine des mécréants. Le "bulé" (l'étranger) est considéré comme un sheïtan, un Satan... Alors ils sont souvent agressifs avec nous..."
Un gamin m'a jeté une pierre. J'ai réussi à l'éviter. Mais si les autres s'y mettaient, j'étais dans un mauvais cas. Heureusement, un homme s'est interposé...
Sauvé... pour l'instant ! Je me suis ressaisi et j'ai regardé autour de moi. Devant, comme une collections d’œufs de Pâques, les femmes priaient.
Concentrées, attentives. C'est alors que...
Une jeune femme avait jeté son dévolu sur moi et me faisait de grands signes, comme si nous nous connaissions... bibliquement - le comble pour une musulmane ! Situation périlleuse ! Dans l'exaspération fiévreuse d'une fin de ramadan, pressé par la foule, c'était le mariage d'office, précédé d'une bénédiction de l'imam et d'un coup de machette sur le bout de ma quéquette !
Je me suis enfui en courant et je me suis caché au Bar-Tabac du coin, où l'on vend des œufs durs (comme au café des Sportifs où on a bu tant de coups ensemble).
Dans l'épicerie attenante, j'ai vu une jeune employée qui pesait des œufs sur une balance. Il y avait quelque chose d'irréel et de très bizarre dans cette scène - mais quoi ?
C'est alors que j'ai eu une illumination. Toutes ces frayeurs, toute cette course haletante n'avaient qu'un seul but : la révélation d'un étrange secret.
Et ce secret, je vais maintenant le partager avec toi car tu es mon ami(e) !
En Indonésie, on ne vend pas les œufs à la dizaine ou à la douzaine, on les vend au kilo !