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La dernière nouvelle donne son titre au recueil qui fait le lien, pour les lecteurs francophones, entre deux romans de Haruki Murakami : Des hommes sans femmes. Mais chacun des sept textes groupés ici (et traduits par Hélène Morita) pourrait, à quelques nuances près, être intitulé de la même manière. Les pages ultimes sont, ceci dit, les plus emblématiques. Un homme est réveillé une nuit par le téléphone : le mari de sa maîtresse lui annonce le suicide de celle-ci. Pourquoi a-t-il éprouvé le besoin de prévenir son concurrent ? Pourquoi s’est-elle suicidée ? Pourquoi faut-il que ce soit la troisième des femmes avec qui il était lié à avoir choisi cette mort ? L’information qui vient d’arriver engendre plus de questions que de réponses, renvoie en même temps à un passé commun, éveille des échos entre le mari et l’amant qui, ensemble, connaissent la même perte définitive. Une sorte de mystère, qui ne résoudra même pas par la prière, seul moyen cependant que trouve le narrateur pour combler le creux de son existence. Il y a donc malgré tout des femmes dans ces nouvelles. La première, Misaki, est une conductrice qui véhicule Kafuku, un acteur dont le permis a été retiré. Mais sa présence dans la voiture évoque surtout les trahisons que lui avait infligées son épouse avant de mourir. Et en particulier celle qui l’avait conduite à coucher avec un autre acteur, dont Kafuku se rapproche, dans un mouvement pas si différent de celui du mari téléphonant à l’amant. Car on ne saura pas davantage que Kafuku pourquoi il retourne à ses souvenirs en compagnie d’un homme avec qui il a partagé une femme. Deux amis, dont l’un respecte trop la fille qu’il aime pour envisager d’aller « jusqu’au bout » avec elle, glissent en direction d’un échange qui ne satisferait évidemment personne. Un homme choisit de s’éteindre faute d’accéder au bonheur d’un véritable amour. Un autre craint sans cesse de perdre les moments de plaisir que lui offre son assistante ménagère non seulement en lui faisant l’amour mais surtout en lui racontant si bien des histoires qu’il l’appelle Schéhérazade… Le sentiment d’étrangeté qui saisit devant les rapports ambigus entre hommes et femmes naît de décalages souvent subtils. L’insatisfaction est la règle, parfois en raison des contraintes qu’un membre du couple s’est fixées. Et, si l’on est émerveillé par chacune des nouvelles lues séparément, on est troublé par l’ensemble qu’elles constituent : un massif d’incertitudes.