Il y a des mélanges de « cultures gastronomiques » qui ne prennent pas.
Le chef, co-propriétaire avec sa femme de ce restaurant, n’a vraiment aucune raison de se plaindre. D’ailleurs il ne se plaint pas. Il arbore une mine joyeuse dans sa salle, à moitié pleine un samedi midi à deux pas de la rue Daguerre, salue les amis, fête un anniversaire à une table, un mot aimable et un sourire pour tout le monde, connu ou inconnu. Ambiance sympathique donc dans cette salle sans cachet particulier, sauf les quelques tables sur le trottoir dans une rue assez calme.
Depuis quelque temps, Nordine Labiadh bénéficie d’une mansuétude étonnante et d’un intérêt particulier, d’ailleurs plus axé sur sa personne et son parcours que sur sa cuisine. Il faut dire que l’homme d’origine tunisienne se prête aux portraits en tous genres sous forme d’une saga exemplaire d’une intégration réussie.
En 1999, peu de temps après son arrivée à Paris, il est engagé par une bretonne, Virginie, alors propriétaire du restaurant. Il l’épouse deux ans plus tard et obtient la nationalité française en 2005. Il s’installe un jour en cuisine, presque par nécessité, et il va y rester. Il essaye vaillamment de copier les codes français des plats de sa femme. Bienveillante, celle-ci l’a poussé à s’exprimer librement en retrouvant les racines (ahhh les racines !), de la cuisine de son pays. Ainsi est née une sorte de mix franco-tunisien, et du Figaro à Libération ce ne sont que louanges. Sur la carte de visite du restaurant, on sait jouer sur cette fibre consensuelle en annonçant « Rencontre des cultures gastronomiques françaises et tunisiennes ». Garde à vous donc, respect obligatoire, car on ne plaisante plus avec les « cultures ». Il vient même d’obtenir le Prix de l’Accueil ( ?) au Guide Pudlo de cette année. Et les assiettes dans tout ça ?
En cuisine, on ne sait pas vraiment qui y travaille et qui fait quoi. Peu importe, et seul le résultat compte. Le problème est que le résultat n’est pas vraiment convaincant.
Les sardines bretonnes parfumées au cumin, sel du désert (trop), sur un petit lit de Charmoula, sont (trop) cuites au four et après un long séjour au frigidaire arrivent sèches et froides en assiette. Surprenant, et des sardines mortes pour rien.
La Méchouia (littéralement salade grillée), est une sorte de caviar de légumes à base de tomates, poivrons, oignons et aubergines, rehaussée parfois d’harissa. Que des légumes de saison donc en cette fin du mois d’avril…
La Brik au cabillaud est gênante dans sa médiocrité. Plus que dorée au four comme annoncé, la pâte de brik est grossière, plutôt archi sèche, et le cabillaud a trépassé sous la chaleur. Un magnifique ratage.
Délicieux Délice de Tunis, sorte de flan parfumé délicatement à la fleur d’oranger et recouvert de pistaches râpées.
Même punition pour le Riz au lait, bien cuit, et parfumé à la cardamome. Deux desserts enfin marqués par une identité et un savoir-faire. Ça fait du bien…
Sélection de vins sans originalité, mais reposant. Mieux vaut éviter le thé à la menthe, version maman de Nordine, car cuit trop longtemps et très sombre, mais demander un « normal », très bien fait au demeurant. Prix élevés pour ce genre de prestation et il y a des mélanges de « cultures gastronomiques » qui ne prennent pas. L’une des deux sinon les deux se sont arrêtés… en chemin.
A mi-chemin31, rue Boulard
75014 Paris
Tél : 01 45 39 56 45
www.restaurant-amichemin.fr
M° : Denfert Rochereau
Fermé dimanche et lundi
Menu : 38 € (3 plats)
Carte : 50 €, environ