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Sarko mis en examen

Publié le 11 juin 2018 par Alex75

Il convient de revenir sur cette mise en examen de N. Sarkozy, consécutive à sa garde à vue de la mi-mars, étant maintenant fixé sur son sort. Cette garde à vue, c’était du jamais vu pour un président la République. L’affaire du financement présumé lybien a connu un rebondissement, Nicolas Sarkozy n’ayant jamais été interrogé directement dans ce dossier. On parle d’une somme faramineuse, voire colossale, 50 millions d’euros selon Mediapart, apparaissant dans cette nébuleuse des hommes sulfureux tel le marchand d’armes Ziad Takieddine. Effectivement, on est face à un événement, il ne faut pas le nier, un ancien président de la république sous le régime de la garde à vue, c’est exceptionnel et historique. Ce n’est pas n’importe qui Nicolas Sarkozy, étant présumé innocent. Mais il faut souligner la manière dont il a été associé à tout un arsenal de procédures liées au financement de la vie politique, avec l’affaire Bettencourt, l’affaire lybienne, l’affaire Bygmalion, son nom ayant aussi été évoqué dans l’affaire Karachi autour du financement de la campagne d’Edouard Balladur, ayant toutes ses dérives liées au système de financement des partis, ce qui pose au-delà de la personnalité de Nicolas Sarkozy, la question de ces financements. Est-ce autorisé ou est-ce un coup tactique des policiers ? Comment réagit la droite ? Est-ce qu’il y a une sorte d’union sacrée à droite autour de Nicolas Sarkozy ? Est-ce qu’il faut que l’on augmente ce solde ou bien est-ce qu’il faudrait que les hommes politiques se restreignent un peu ? Quelle est l’affaire la plus dangereuse ?  En 1974, est-ce que cela aurait pu avoir lieu ?  Quel est le délai de prescription pour les différents faits reprochés ? Quels sont les nouveaux éléments dont dispose la justice pour mettre en garde à vue de Sarkozy ? Est-ce que dans ces dossiers, Nicolas Sarkozy risque la prison ? Quel aurait été l’intérêt d’aller faire la guerre à quelqu’un qui lui aurait rendu service en le finançant ?

Ce qui frappe le plus, dans cette garde à vue, c’est la durée. Il a bénéficié d’un régime particulier, ayant eu le droit de rentrer dormir chez lui, étant normalement un moyen de pression psychologique pour faire craquer les mis en examen que de les garder des heures, des heures et des heures. La durée était de 48 heures, car elle ne peut excéder cette durée, hors affaire de terrorisme, pour ce qui relève du droit commun. Alors évidemment, c’est un ancien président de la République, c’est ce qui peut interpeller les Français, c’est que Jacques Chirac a déjà été entendu, mais très peu de temps et Sarkozy dans une autre affaire. Mais là, ce fut long, étant interrogé par le juge Tournère, qui est un redoutable juriste. Etant avant tout un ancien chef de l’Etat, l’idée était d’opérer une sorte de pression psychologique, cela faisant quelques semaines que Nicolas Sarkozy devait se préparer à cette question-là et cela a permis aux policiers de se former à ce dossier extrêmement compliqué, tentaculaire. S’il était resté à Nanterre, il y aurait eu 8 heures de sommeil décomptés, donc moins de temps de garde à vue, la question étant de savoir si c’était un traitement de faveur. Mais en fait, un certain nombre d’avocats pénalistes expliquaient que cela aurait pu au contraire signifier que le juge Tournère voulait profiter à cœur de ces 48 heures. La garde à vue, c’est on vous met dans une cellule, on vous sort, on vous y remet, on vous sort et ainsi de suite, ce qui est terrible sur le plan psychologique. Il avait pu se préparer, ces avocats ayant vu la chose venir, la garde rapprochée de Nicolas Sarkozy était au courant. Il y a deux éléments qui sont intervenus et qui ont accéléré la procédure.

L’ex-directeur de cabinet de Kadhafi, Bechir Salé s’est fait tirer dessus au mois de février, et ensuite la justice française veut entendre parler Alexandre Djhouri qui a permis à Bechir d’être exfiltré, personnage sulfureux, qui a été arrêté à Londres. Normalement, Djhouri doit être extradé vers la France, l’été 2018, et a été retrouvé dans la propriété d’Alexandre Djhouri des documents qui pourraient être compromettant. En 2007, on dit que l’UMP de l’époque, aurait été financé en partie par la Lybie. Et ce point près, Nicolas Sarkozy s’engage pleinement dans la libération des infirmières bulgares accusées par le régime lybien d’avoir empoisonné du sida plusieurs enfants en Lybie. La contre-partie de ce service rendu aurait été de rendre une partie de cet argent. Et après il y a eu une série d’événements avec Claude Guéant qui a été mis en examen, car c’est une affaire qui dure depuis dix ans et qui a éclaté en 2012. C’est la 1ère fois que l’ex-chef de l’Etat est auditionné dans ce dossier. Interrogé sur le financement de sa campagne de 2007, les médias sont à l’affut de la moindre image, une attention particulière pour un ancien président, mais dans sa famille politique, l’affaire passe mal. Le gouvernement n’entend pas polémiquer sur le sujet. Parmi les autres réactions, celle de Ségolène Royal teintée d’une pointe d’ironie voire d’amertume, elle qui a été battu par Nicolas Sarkozy en 2007. Le juge Tournère l’a déjà suivi dans l’affaire Bygmalion. Réputé tenace, le magistrat cherche à savoir si Nicolas Sarkozy a été rétribué par Kadhafi. L’homme d’affaires franco-libanais Takieddine a prétendu avoir joué les intermédiaires entre la France et Tripoli, des accusations toujours rejetées par Sarkozy. Il n’est pas le seul à avoir été entendu par les policiers anti-corruption, Claude Guéant ayant été entendu dans une audition libre, pour faux, usage de fonds et blanchiment de fraude fiscale en bande organisée. 

Cela reste la figure tutélaire de la famille, d’où un soutien tacite. A part les policiers qui l’interrogent et les juges, personne ne connaît la réalité immédiate de ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy. La méthode n’est pas très discutable. Cette affaire met l’éclairage sur un certain nombre de personnages assez sulfureux, dont les témoignages peuvent être au moins sujet à caution. La publication des documents par Médiapart a été validé par la justice. A. Djhouri était assez fréquemment à l’Elysée, du temps de la présidence de Sarkozy et de Claude Guéant, qui a exfiltré le fameux Béchir Saleh de Lybie vers la France à la révolution de 2011, puis de France vers le Qatar, donc il est certain qu’il a fréquenté de très près ces personnages. La réaction était toujours de le soutenir, la victimisation dont savait très bien jouer Nicolas Sarkozy fonctionne bien. Il ne faut pas oublier que Laurent Wauquiez était dans les sarkozystes, qu’il est allé s’excuser platement après son étalage à l’EM Lyon, car il sait parfaitement que Sarkozy est toujours le chef. Ce qui est intéressant, c’est ce que c’est vraiment un roman de John Le Carré, absolument tentaculaire, où il y a des morts, Sarkozy ayant déclaré la guerre à la Lybie de Kadhafi en 2011, de la libération des infirmières en passant par la visite de Kadhafi en 2007 et la tente bédouine plantée dans les jardins de l’Elysée. Au début, on parle de 50 millions d’euros. Après Takieddine parle de 5 millions d’euros ramenés dans un voyage express entre Tripoli et Paris, puis une 3e somme entre 340 et 500 000 euros avoués par Eric Woerth, selon qui des enveloppes étaient distribuées durant la campagne de 2007 à des employés. François Fillon aurait touché des enveloppes. En 2012, il n’y a pas eu d’enveloppes durant la campagne et des employés de l’UMP se sont plaints et ont protesté. E. Woerth aurait rétorqué qu’en 2007, c’était des dons qui auraient été distribué et anonymement.

En 2011, Kadhafi se fait taper dessus par Sarkozy. On peut faire taire Kadhafi en allant le tuer. Kadhafi n’a jamais dit, mais attendez vous m’envoyez des bombes sur la figure alors que je vous ai donné de l’argent. Le seul qui le dit, c’est le fils de Kadafi, avant les bombardements. Il a exhumé la seule preuve écrite, dont l’authenticité a été contesté. C’est l’entourage de Kadhafi qui l’avait dissuadé d’utiliser cet argument, ce qui apparaît hypothétique. Mais cette circulation d’argent et de valises de billets, cela existe. A chaque fois, en 2007 et 2012, il y a eu des dépassements, on se souvient du fameux Sarkothon, en dépit de la loi des années 1990. Incontestablement, il y a de l’argent qui n’a pas été déclaré et qui a été utilisé durant cette campagne. Sur le long terme, c’est cela qui pose problème, à savoir comment on finance les campagnes présidentielles et qu’est ce que l’on fait pour éviter ce type de montage. Nicolas Sarkozy a toujours nié en bloc, toutes ces accusations. Il l’a toujours nié dans toutes ces affaires, la justice lui ayant donné raison, que ce soit dans l’affaire Bettencourt, l’annulation de ses comptes de campagne. Après cette affaire, elle est un peu plus particulière, par la personnalité aussi de Kadhafi qui était en arrière-plan dans cette fin de quinquennat, l’explosion des dépenses de campagne de 2012 ayant fait porter un autre regard sur la campagne de 2007. Si cela est avéré, c’est grave, immédiatement après il y a une question que se pose les gens sur le déclenchement de l’opération franco-britannique, certes internationale, non justifiée par la volonté d’effacer l’ardoise. Cette question sera posée, de même que celle de l’élimination de Kadhafi et la fuite de sa localisation passée par les services secrets français, d’où un scandale assez international. C’est une histoire qui intrigue l’option et les magistrats, l’ayant réhabilité avant de lui faire la guerre. Sous les ors de la République française, Sarkozy réhabilite Kadhafi, ce jour-là. Dans un enregistrement audio, il déclare qu’il lui a apporté les financements nécessaires. Des contrats sont signés aussi dans l’aviation civile.

C’est un régime éminemment corrupteur, qui a passé le plus clair de son pays à corrompre des responsables et c’était essentiellement dans les pays d’Afrique. C’est un scandale d’Etat, le plus grave de la Ve République, à savoir la corruption d’une démocratie, la France, par une dictature. On l’a vu également dans de nombreux pays d’Afrique. Dans ce système, il y aurait des intermédiaires Alexandre Djhouri et Ziad Takieddine. Après 7 mois de bombardement, c’est la chute et la mort du dictateur à Syrte. Béchir Saleh doit sa survie à la France, l’ayant exfiltré et suite aux révélations de Médiapart, Nicolas Sarkozy opère son exfiltration vers le Qatar alors qu’il est recherché par Interpol, avant de gagner l’Afrique du sud. Il sort de son silence récemment et se fait tirer dessus en février dernier. Kadhafi est le paria sur la scène internationale, parce qu’il est accusé d’avoir financé le terrorisme en Afrique, ayant eu deux grandes périodes, d’abord le panarabisme, puis le panafricanisme, suite à l’échec de la 1ère doctrine et pour la plupart d’entre elles, les républiques africaines voisines ont cédé à cela. Il a toujours entretenu de très mauvais rapports avec les Occidentaux et souhaitant entretenir de meilleures relations, il avait besoin de Nicolas Sarkozy, jusqu’à planter sa tente en plein Paris, dans le VIIe arrondissement. C’est dans le cadre d’une tournée européenne, à une époque où Kadhafi était en quête de reconnaissance internationale, soit en donnant de l’argent pour se redonner une respectabilité internationale. Il devait devenir le leader du continent africain et il avait besoin pour cela de Nicolas Sarkozy. Et le pétrole lybien, c’est très intéressant. Kadhafi a facilité cette libération des infirmières bulgares avant de revenir dans le concert des nations. Il faut se remettre dans le contexte de 2007, à mauvais titre, il y avait aussi Bachar El-Assad et tous les présidents élus des pays du Moyen-orient et d’Afrique du nord, tous balayés par les printemps arabes, quatre ans plus tard et cette idée d’Union de la méditerranée. Sarkozy pensait qu’il allait déclencher cela et faire la paix dans ces pays troublés et insuffisamment développés, mais cela a échoué. En 2003 – 04, il y a eu un contrat avec l’Arabie saoudite. Cela a été l’objet d’une vraie guerre au sein de l’Elysée entre Villepin et Sarkozy, car il y avait des rétro-commissions. Cet argent aurait été distillé durant la campagne, sans que personne ne s’en rende compte.

Il y a une autre affaire, à savoir Alexandre Djhouri, car la propriété de Mougins aurait été un moyen de blanchir l’argent, une maison. Et Claude Guéant aurait reçu 500 000 euros d’un avocat birman, lequel lui aurait acheté deux toiles de maître. Ce sont des réseaux particuliers, il n’est pas évident qu’avant et après Sarkozy, le même type de problèmes se pose. Aujourd’hui, on est passé dans un mode de relations différent entre la France et le continent africain, et les pratiques sont de plus en plus placées sous le regard de la justice et des médias, Médiapart ayant tout de même suivi les choses d’assez près et il y a eu une évolution. Il faut bien que les médias fassent leur boulot. Le problème, c’est que le conseil constitutionnel valide le compte de campagne, mais beaucoup plus tard. Il se voyait mal quelques mois après, remettre en question un vote. On se souvient que durant la campagne d’Emmanuel Macron, les journalistes se sont interrogés sur l’origine des fonds de sa campagne. On établit toujours le rapport avec ces campagnes américaines qui atteignent les milliards d’euros avec l’achat de temps d’antenne de campagnes publicitaires télévisées. En octobre dernier, le parquet a demandé le renvoi de l’ancien chef de l’Etat devant un tribunal correctionnel. L’affaire Bygmalion, ce sont des fausses factures établies pour camoufler des dépassements de dépenses de campagne électorale. Et il a été mis en examen de ce chef, aucun fait lié au dossier Bygmalion ne lui ayant été reproché. Le parquet demande le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy, de même bénéficiant d’un non-lieu dans l’affaire Bettencourt. Le nom de Nicolas Sarkozy revient également dans d’autres affaires, pour lesquelles il n’a jamais été mis en examen, comme Karachi. Mais également durant l’affaire Tapie, il bénéficie de l’immunité présidentielle, étant accusé d’avoir apporté une orientation favorable à l’homme d’affaires. 

C’est précisément, cette affaire lybienne, d’Etat à Etat, la corruption d’une campagne électorale d’une démocratie par un dictateur, tout comme la relation entre VGE et Bokassa, et éventuellement les sommes d’argent n’étant pas les mêmes, l’affaire des diamants des VGE ne correspondant absolument à rien mais ayant été dévastateur pour lui. Mais la dynamique qui a porté Nicolas Sarkozy n’a pas été porté par l’argent, car il n’y a jamais eu de tel écart qu’en 2007 avec 53 % et ce n’est pas le fait qu’il ait pu éventuellement toucher de sommes d’argent, ayant fait 31 % au 1er tour, Jacques Chirac n’ayant jamais dépassé les 20 % au 1er tour. Cette affaire Bygmalion n’est pas finie et l’on peut se demander pouquoi. Il y a eu des recours, c’est une affaire qui est très longue et complexe, reportée à 2020. S’il est avéré qu’il est directement dans le transfert de fonds, il serait passible de peines de prison pour trafic d’influence, corruption, mais il faut savoir qu’il y a un certain nombre d’intermédiaires, comme Copé dans l’affaire Bygmalion. Dans le scandale de Panama, il n’y a qu’un député qui a été condamné, car il s’était dénoncé, les 125 députés et sénateurs incriminés et accusés d’avoir touché de l’argent, ayant été innocenté. Il était revenu sur la scène publique et non la vie politique et il cherchait en tant que grand référent à être aimé, ayant lancé pas mal de sujets comme la lutte contre le cancer, ce qui était une manière de se détacher de cette image de fin de mandat d’homme attaché à l’argent. Mais au-delà, pour les Français, il était en train de se construire une autre image. La popularité de l’homme est intacte et puis ce n’est pas parce qu’on est populaire dans une frange de l’électorat de droite, qu’on est à même de se faire élire, comme on l’a vu en 2016. Cela peut aussi peser, tout comme un problème de santé, et cela n’apportait pas grand-chose et le jeu des policiers et des juges, qui est de ne pas en faire une victime et aussi de ne pas décompter les heures de sommeil passées en garde à vue.

A chaque élection présidentielle, il y a toujours une histoire. Il n’y en a pas pour celle de 2017, du moins pas encore, 1995, 2007 et 2012. On n’a jamais vu un président autant attaqué, mais on a jamais vu un président associé à autant d’affaires. Mais pour autant, les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy ne sont pas non plus des saints. Dans les années 1960, il y a eu l’affaire Ben Barka. Durant le septennat de Giscard, il y a eu 4 morts. Sous Mitterrand, il y a eu Bérégovoy, Grosrouvre, l’affaire des écoutes téléphoniques de l’Elysée. Chirac a été condamné dans l’affaire du financement des HLM de la ville de Paris. C’est pour cette raison principale que l’UMP a changé de nom. L’américanisation des formes de propagande, de campagne électorale, de mis en scène télévisuelle, cela coûte cher et de plus en plus cher. Le but de transformer chaque meeting en show télévisé a fait flamber les coûts des dépenses de campagne. 

                                                                                                                                                                                           J. D.


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