L’origine de l’enclouage centromédullaire des os longs remonte aux années 1850 avec Langenbeck, puis au début du xx e siècle avec Lambotte et Hey-Groves. Le père de l’enclouage moderne est Gerhard Küntscher qui proposa, dès 1939, un tuteur intramédullaire antérograde métallique introduit à foyer fermé.
Le principe de l’enclouage centromédullaire est de placer un tuteur interne en intraosseux, dans le but d’obtenir une récupération fonctionnelle rapide, en proposant un montage stable qui permet une mobilisation immédiate, et un montage solide qui autorise une remise en charge précoce des membres inférieurs. L’idée de départ de Küntscher était l’enclavement élastique transversal. Cette idée s’est révélée fausse puisqu’il s’agit d’un enclavement longitudinal avec un système multipoints. L’enclouage des os longs s’est développé selon trois étapes :
• le concept de la chirurgie à foyer fermé (1940) ;
• l’alésage du canal médullaire qui permet de calibrer le canal et d’augmenter la surface de contact, faisant passer ainsi l’enclouage de « intramédullaire » à véritablement « centromédullaire » (1954) ;
• le verrouillage, permettant un montage statique évitant le raccourcissement et la rotation des fragments (1968), défendu par Ivan Kempf.
Dans la grande famille de l’enclouage, différentes techniques ou type de verrouillage ont été développées. Certains auteurs ont décrit un enclouage non alésé et d’autres des clous expansibles « autoverrouillés par gonflage ». Enfin rappelons pour mémoire que l’enclouage de tous les os longs, ou presque, a été proposé, avec l’enclouage de l’avant-bras de Christian Lefèvre ou l’enclouage épiphysaire radial.
L’enclouage alésé n’est pas le traitement univoque des fractures des os longs. Nous devons citer pour être exhaustif : le traitement orthopédique, la fixation externe, l’ostéosynthèse par plaque par voie classique ou par voie mini-invasive.
Principes de l’enclouage centromédullaire verrouillé alésé
Les principes sont simples. Le foyer fermé a pour objectif « biologique » de réaliser une chirurgie avec conservation de l’hématome fracturaire, respect du périoste ainsi que de la vascularisation périphérique périostée.
Le cal obtenu est fusiforme, de bonne qualité et développé à partir du périoste. Le versant « foyer fermé » sous-entend la nécessité d’un contrôle scopique peropératoire qui devient obligatoire et systématique pour toutes les étapes de la procédure chirurgicale.
L’enclouage centromédullaire a pour objectif « mécanique » de se situer sur l’axe neutre de l’os, jouant un rôle de tuteur interne absorbant les contraintes axiales. L’alésage a, lui, un objectif mixte : « biologique » et « mécanique ». Il permet de calibrer la cavité médullaire, augmentant ainsi la surface de contact avec le clou et améliorant sa tenue. Il permet également de jouer un rôle biologique par l’apport d’une autogreffe spongieuse endomédullaire.
Le verrouillage présente un rôle « mécanique ». Il a été proposé par Küntscher pour, d’une part, éviter le télescopage des fragments, et donc le raccourcissement secondaire et, d’autre part, stabiliser la composante rotatoire. En effet, pour obtenir une stabilité rotatoire et une stabilité primaire relative en dehors d’un verrouillage, le contact entre le clou et le cortex doit être d’au moins de 3 cm linéaire et la console osseuse de contact interfragmentaire supérieure à 50 % de la circonférence.
Le verrouillage a permis d’enclouer des fractures de plus en plus complexes sans risquer une perte de longueur ou un cal vicieux rotatoire par déplacement secondaire.
Le montage proposé est alors biologique, stable et solide, permettant une rééducation précoce avec une mobilisation immédiate et une remise en charge au seuil douloureux possible en fonction du type de fracture. Outre une consolidation de meilleure qualité, le caractère fermé de cette chirurgie diminue le taux d’infections.
Le principe technique de l’enclouage est relativement simple et logique. Ses domaines d’application sont nombreux. Il s’agit d’une philosophie adoptant le principe du foyer fermé qui s’oppose à l’ostéosynthèse classique par plaque à foyer ouvert. L’enclouage centromédullaire est une technique fiable, reproductible, mais exigeante. Elle nécessite rigueur, technicité et une attention de tous les instants. Les erreurs n’auront pas tendance à s’accumuler mais à se potentialiser. L’anticipation des problèmes commence par une installation de qualité. À ce prix-là et au terme d’une concentration particulière sur chacune des étapes, l’enclouage tiendra toutes ses promesses.
Références : M. Ehlinger, P. Adam, G. Taglang, C. Lefevre et F. Bonnomet
Techniques chirurgicales – Orthopédie-Traumatologie
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