Ainsi donc, la ministre des Solidarités et de la Santé le confirme. «Toutes les allocations peuvent être discutées», déclare Agnès Buzyn au JDD, comme si l’usage de la parole devait être à ce point décrispé pour enfin admettre tout haut ce qui se murmure pourtant publiquement. Attention, le choc s’annonce brutal! Madame Buzyn le résume bien: «On ne doit pas s’acheter une bonne conscience avec les minima sociaux.» Chacun le sait, le gouvernement aborde en ordre de bataille «le temps 2 du quinquennat», pour reprendre la formule d’Édouard Philippe. Au menu figure «la réforme de l’aide sociale». Souvenons-nous des odieuses sorties des ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire, destinées à préparer l’opinion: «Il y a trop d’aides sociales.» Après la casse du droit du travail et la réforme de l’assurance-chômage, voici une nouvelle étape dans la «transformation du modèle social» voulue par Emmanuel Macron. Celui-ci s’exprimera dans quelques semaines et dira quels minima sociaux subiront donc un coup de rabot. La feuille de route des économies demandées au Comité d’action publique 2022 – CAP 22 – vise à distinguer les « bons pauvres » de ceux dont on pourrait revoir les prestations à la baisse pour les «inciter à travailler», comme s’ils étaient responsables de leur situation.
Jamais bien sûr les questions ne changent de paradigme. Pourquoi tant de smicards ont-ils besoin des aides sociales? Pourquoi le travail ne permet-il pas de vivre dignement? Les ménages vivent normalement de leurs salaires, des prestations d’assurances sociales (issues de leurs cotisations), des prestations universelles (santé, éducation, etc.). À quoi servent les aides sociales? À donner le minimum à ceux qui ne peuvent subvenir à leurs besoins. Affirmer qu’il y a trop «d’aides», c’est oublier le chômage de masse, la précarisation du travail, la vie chère. C’est oublier les 9 millions de pauvres, les fameux «gens qui ne sont rien»! Une fois encore, les voilà érigés en boucs émissaires. Ils n’auront au mieux que la charité.
Les plus démunis attendent toujours un choc de dignité en leur faveur. Ils risquent de subir un choc d’indignité…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 11 juin 2018.]