Mange tes morts de Jack Heath 5/5 (15-04-2018)
Mange tes morts (400 pages) est dospinible depuis le 22 mars 2018 aux Editions Super 8 (traduction : Charles Bonnot)
L’histoire (éditeur) :
Cameron Hall, 14 ans. Disparu en rentrant de l’école ; rançon exigée. L’horloge tourne, la police est impuissante : c’est une mission pour Timothy Blake.
Timothy (nom de code « le pendu ») a un don. Il lit dans l’esprit des gens. Comprend tout avant tout le monde. Résout les énigmes les plus ardues. Le genre à s’ennuyer avec un Rubik’s Cube ou à connaître votre numéro de sécurité sociale par cœur. Mais Timothy a aussi un problème. Pas le fait d’être pauvre, non. Pas le fait d’être affublé d’un coturne toxicomane et parano prénommé Johnson. Un vrai problème, un problème, disons, comportemental. Qui fait que même le FBI répugne à travailler avec lui. Une vie sauvée, une récompense : ainsi fonctionne Timothy. Mais cette fois, et malgré l’appui de l’agent spécial Reese Thistle, il se pourrait que notre sympathique génie psychopathe ait trouvé à qui parler.
Ce thriller survolté et sans tabou ne vous laissera aucun répit. Accessoirement, il se pourrait qu’il vous incite à devenir végétarien.
Mon avis :
Timothy Blake est consultant civil pour le FBI en échange de corps encore chaud. En effet, Chase est doté d’un don de clairvoyance bien utile pour la police, mais aussi cannibale, alors pour le remercier de ses bons et loyaux services on lui offre des condamnés à la peine de mort de la prison de Huntville, sensés recevoir un dose létale mais pour lesquels, en réalité, une simple dose de paralysant a été injecté, histoire de tromper le public lors de pseudo exécution et pour permettre leur transport jusqu’à chez lui.
Tout va presque pour le mieux pour lui, qui mène sont petit train de vie certes pitoyable (entre son travail de consultant, sa petite entreprise toute personnelle de résolution de casse-tête et son colocataire John Johnson, dealer accro aux drogues) mais finalement pas si mal dans son genre. Pour un bouffeur de chair humaine, il mène au final relativement bien sa barque…
« Quelqu’un l’a appelé hier, mais je ne lui transmets pas le message tout de suite : il ne s’en souviendrait pas, puis il m’accuserait de ne rien lui avoir dit, me traiterait de menteur, et demanderait à l’un de ses junkies de sa cohorte de m’attaquer pendant son sommeil.
Johnson n’aime pas que j’écrive de mot – il y voit une forme de surveillance –, mais, aujourd’hui, ça me semble la meilleure option. J’attrape le journal, déchire un morceau de page sur lequel j’écris « Gemma a appelé » et je le colle sur le réfrigérateur, à l’aide d’un magnet offert par une boite de shampouineuse de moquette que je n’imagine pas appeler un jour dans la mesure où nous n’avons pas de moquette. Ensuite j’ouvre le réfrigérateur, et en sors un reste de viande, avec du pain rassis.
La viande ne ressemble plus au Tueur de l’ambulance. Le congélateur est rempli de morceaux gros comme des balles de base-ball, suffisamment menus, cependant pour qu’on ne reconnaisse pas en eux les restes d’un être humain. La tête, les mains, et les pieds, eux, sont identifiables : je les garde donc dans une boite formée avec du Scotch dans le bac inférieur du congélateur.
Puisqu’il n’a plus l’apparence d’un humain, il faut que je lui en redonne le goût. Je saupoudre les filets d’un tout petit peu de sel, ainsi que de vitamines pour femme enceinte pilées. Les vitamines contiennent du cuivre, ce qui rehausse le goût du sang. Je passe le tout au microonde pendant quarante-huit secondes.
En attendant, je mâchonne le pain rassis. Ça m’évite de tomber malade – un homme ne se nourrit pas que de viande.
Quand les filets sont cuits à quatre-vingt-dix-huit degrés exactement, je déverrouille la porte de ma chambre et la referme derrière moi. Je me fraye un chemin au milieu des casse-tête non résolus et tout en dégustant, m’assois sur mon matelas à même le sol. Les ressorts grincent sous mon poids. » Page 108-109
Bref, Timothy est appelé sur une nouvelle affaire, la disparition de Cameron (ado de 14 ans, fils de la « célèbre » Annette Hall, actrice dans Des jours et des vies). Celui-ci n’a plus donné signe de vie depuis sa sortie du lycée et une rançon de 20 000 dollars a été réclamée, sans quoi le garçon sera cloué aux murs d’une cave par les paupières, les narines et les lèvres…
Blake, qui voit les indices où personne ne les voit, décrypte les comportements et lit les paroles du corps (sans parler de son excellente mémoire), parvient à avancer dans la résolution de l’affaire mais pas vraiment comme il le pensait…ça sent vite le roussi pour lui (et pas que !!!) et pour une fois rien ne va se passer comme prévu.
Mange tes morts est un thriller vraiment jouissif. J’ai adoré Blake, mélange de Santa Clarita Diet, Dexter et de Mentaliste et surtout cette plume ! Il y a une nonchalance et un cynisme dans l’écriture absolument géniaux.
L’intrigue bouge beaucoup, la narration (agrémentée à chaque début de chapitre par une petite énigme) mélange humour, gore et côté sombre du polar un peu plus traditionnel. C’est un délice quand on aime ce genre de plat. Blake a beau être anthropophage, rien n’y fait je l’ai adoré ! Cette légende urbaine (du cannibale mangeur de détenus envoyé par le gouvernement) est parfois incontrôlable, plein de ressources et à la limite de l’insouciance, mais il a réussi à me toucher. Impossible pour lui d’entreprendre une relation amoureuse (et pour cause, des fois que l’envie de bouffer sa partenaire le prendrait…) et pourtant ce n’est pas l’envie ni les sentiments qui lui manquent. Alors étonnement ses travers, et forcément son histoire, le rendent touchant. J’espère le retrouver dans un autre titre, parce qu’il vaut le détour et apporte un vrai plus.
Mange tes morts, puzzle très bien agencé et mené, est un polar trépidant, original et franchement mordant !